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Le nationalisme économique perpétue les risques de crise financière

Les autorités chinoises n’en finissent pas de se battre contre les risques de crise financière qui ne se résorbent pas. Compte tenu de la dépendance persistance de l’économie au crédit facile, les politiques d’assainissement s’avèrent insuffisantes soit qu’elles sont contournées par les acteurs, soit que les pouvoirs publics, préoccupés par leurs effets négatifs sur la croissance, les adoucissent ou les annulent.

De même, il est peu probable que les pouvoirs publics donnent leur feu vert au relâchement des contrôles du compte de capital, pourtant conseillé par Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque de Chine conscient que la mesure serait la principale condition à l’accession de la monnaie chinoise au statut de monnaie de réserve.

Alertes du FMI et de Zhou Xiaochuan.

Le 6 décembre, une appréciation du FMI identifiait trois mèches allumées pouvant déclencher une réaction en chaîne explosive.

1) L’accumulation des dettes des entreprises publiques évaluées à 159% du PIB (soit plus de 20 000 Mds de $). Enfermées dans une dépendance au crédit qui s’aggrave compte tenu de la chute préoccupante de la rentabilité des investissements passée de 1,27 pour un $ en 2005 à 0,33 pour un $ en 2017, les groupes publics continuent à être protégés par les administrations locales hors des critères raisonnables de rentabilité.

2) L’arrière plan culturel de « garanties implicites » par l’État augmente la part de risques consentis par des opérateurs financiers toujours convaincus que l’argent public viendrait en dernier ressort à leur rescousse. Cette faiblesse qui n’est pas propre à la Chine, mais y est exacerbée compte tenu des habitudes de crédit facile et de l’enchevêtrement des affaires et de la politique, est entretenue par l’État qui garantit systématiquement les dettes des entreprises publiques dans le but politique d’éviter les secousses.

3) Suite aux mesures de contrôle de l’État, la part de crédit du secteur régulé diminue tandis que celle provenant de la finance grise alimentée par les assurances et les fonds de gestion plus difficile à contrôler, augmente rapidement.

La conclusion lapidaire de la note du FMI était que « la complexité croissante du système attisait les risques de crise financière ».

Le 11 novembre, 3 semaines avant la note du FMI, Zhou Xiaochuan, président de la Banque de Chine avait déjà lancé une mise en garde publique encore plus pessimiste dans un article mis en ligne sur le site de la Banque. Sonnant l’alarme des « risques systémiques 系统性金融风险 », parlant en termes imagés des menaces de crise comparées à des « cygnes noirs 黑天鹅 » et du gonflement de la part mal contrôlée du système financier assimilé à un « rhinocéros gris 灰犀牛 », il insistait sur la nécessité d’approfondir les réformes et sur l’obligation de poursuivre l’ouverture de l’économie, seuls leviers permettant de tenir les risques à distance.

Le 7 décembre, au lendemain de la déclaration du FMI, tout en signalant sur le site de la banque que les groupes publics faisaient des efforts pour améliorer leur gestion, Zhou enfonçait le clou sur le même ton alarmiste. « Les risques latents s’accumulent, ils sont cachés, complexes, contagieux et aléatoires », a t-il écrit dans une longue démonstration sonnant comme un testament professionnel après 15 ans à la tête de la banque de Chine.

Il conseillait de durcir les mesures de régulation, de laisser opérer plus librement les forces du marché, de relâcher le contrôle du compte de capital et de donner plus de liberté aux institutions financières étrangères.

Fragilités du système chinois.

Enfin, revenant sur les points faibles du système financier chinois, il rappelait que la fréquence et l’ampleur des mesures financières de relance étaient à l’origine de la vulnérabilité macro-financière du pays. Dans l’économie réelle, les fragilité se traduisent par un excès de dettes et – conséquence de la baisse de rentabilité du capital -, par le surinvestissement dans des secteurs spéculatifs tels que l’immobilier ou dans ceux qui, sans apporter de valeur ajoutée, comme l’acier et le charbon, perpétuent les lourdeurs rémanentes de l’industrie étatique.

Au passage, Zhou pointait encore une fois du doigt les « groupes zombies » dont l’assainissement reste trop long, tandis que les gouvernements locaux leurs tiennent la tête hors de l’eau ; les institutions financières à risques génératrices de comportements grégaires à l’origine de la création de bulles spéculatives ; les risques posés par le montages financiers hasardeux des assureurs camouflant leurs « contrats toxiques “d’assurances mixtes“ » en « investissements innovants ». Lire : L’arrestation du PDG des assurances Anbang, pointe émergée du labyrinthe financier et politique chinois.

Sur la sellette encore la fréquence des obligations non honorées créant un sentiment de risque nuisible à la confiance des investisseurs étrangers ; les sites d’emprunt en ligne, en réalité des montages frauduleux copiés du système Ponzi ; les conflits d’intérêt entre les régulateurs et les sociétés sous leur contrôle (allusion à Xiang Junbo, président de la Commission ces assurances, arrêté en juin 2017).

Conséquences des mises en garde et preuve de la fragilité du système toujours à l’affut d’une crise, les investisseurs se sont réfugiés à Hong Kong provoquant une envolée de la bourse de la R.A.S, tandis que sur le Continent, les régulateurs tentaient de rassurer les capitaux en augmentant les taux d’intérêts à long terme des obligations de l’État [1].

Les alertes de Zhou faisaient suite à une impressionnante série des mesures de régulation et de contrôle depuis l’été 2016. On y retrouve toutes les contradictions de la machine politico-financière chinoise, cherchant à la fois à tenir à distance les risques de crise catastrophique et à préserver la croissance ; à ménager ses banques et ses groupes publics tout en favorisant le financement du tissu des PME, principales pourvoyeuses d’emploi.

Enfin, en novembre, les autorités financières ont, pour la première fois, décidé de prendre à bras le corps le problème complexe de la sécurité artificielle des acteurs financiers diffusée par la certitude non écrite, mais bien réelle, que l’État se porte forcément au secours d’un fond financier en difficultés.

En 18 mois, l’État s’est attaqué au « rhinocéros » de la finance grise ; contre les réticences des banques d’État, piliers avec les grands groupes des féodalités opposées aux réformes, il a cherché à orienter les financements des banques vers les PME ; avec l’appui du président, enfin, il a commencé à rouler le rocher de Sisyphe du climat culturel donnant à l’État l’image d’un « sauveur obligé » des situations financières en déshérence, principal facteur de perpétuation de la « finance grise » et des dettes.

Note(s) :

[1Une hausse significative des taux toucherait de plein fouet les habitudes de financement des dettes par de nouvelles, épine dorsale du fonctionnement des réseaux des petites banques et des institutions de la finance grise. Le risque existerait d’un enchaînement néfaste où, acculées par des taux trop élevés, les institutions droguées au refinancement par de nouveaux crédits seraient contraintes de vendre leurs actifs, portant le risque de contagion grégaire dangereuse pour la stabilité du système financier.


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