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›› Politique intérieure

Le micro-crédit en ligne percuté par le principe de précaution et la normalisation politique

Rappel à l’ordre politique.

Les commentaires spéculant sur une sèche mise en garde politique vont bon train. Duncan Clark, en Chine depuis 20 ans, ancien de Morgan Stanley, Président de la société de conseils BDA China, auteur de « Alibaba : The House That Jack Ma Built » (2016) cite le proverbe chinois « On peut taper même sur les clous les plus grands- “最高的钉子被砸了 ».

Clairement l’appareil a adressé un avertissement à Jack Ma. Pilotée par Xi Jinping dont la pensée est articulée à l’affichage nationaliste d’une puissance sans faille de la Chine face à l’Occident en déshérence, la machine politique ne supporte pas que soient révélées les failles de son système. Comme le souligne un « trader » étranger, « En Chine, il n’y a qu’un seul patron. C’est Xi Jinping et non pas Jack Ma. ».

Risques d’emballement financier et de contournement du pouvoir.

Sous la surface a surgi une autre crainte. Celle que, dans le secteur du paiement en ligne et de l’épargne que l’appareil surveille comme l’huile sur le feu, « La Fourmi » atteigne une puissance financière telle que les régulateurs ne pourraient plus la contrôler. L’inquiétude n’est pas surfaite.

Selon les meilleurs experts, l’introduction en bourse aurait valorisé l’entreprise à au moins 310 milliards de dollars, « plus que les grandes banques américaines telles que Goldman Sachs ou Morgan Stanley », rappelle Sherisse Pham, analyste à CNN.

Surtout, « la perspective avait attiré une avalanche d’investissements et de sur-souscriptions, 800 fois supérieure au nombre de titres mis sur le marché » dont l’appareil a jugé qu’ils menaceraient son pouvoir, tandis que le régulateur pouvait objectivement considérer qu’ils constituaient aussi un risque financier.

Jack Ma, entrepreneur de génie, cible des réseaux sociaux.

Après une période ayant suivi 2012 pendant laquelle Xi Jinping avait accepté de laisser la bride sur le cou aux groupes privés, leur succès le conduit aujourd’hui à les remettre sous le boisseau. Jack Ma n’échappe pas à cette reprise en main, d’autant que « Ant group » et son système de prêt en ligne est un concurrent direct des banques publiques.

Au passage, la réaction de médias et des réseaux sociaux très largement critiques d’Alibaba et de Ant Group en dit long sur l’emprise de l’appareil sur l’information et la société ou, à tout le moins, sur la difficulté que s’expriment des voix contraires à celle du Parti. Sur le net où il est difficile de faire le tri entre le trafic normal de messages et l’avalanche automatique, Jack Ma a entre autres été accusé d’être un « capitaliste cupide », un « affreux égotiste de la haute-technologie, s’imaginant être au-dessus des lois ».

Le paradoxe est qu’alors même que son action milite en faveur d’un système financier ouvert à la concurrence, pour le bien du public qui disposerait d’autres choix que les banques d’État, les réseaux sociaux chapitrés par la propagande ont dépeint Jack Ma comme une « requin de l’usure ayant sucé le sang des emprunteurs chinois, méritant d’être sanctionné pour contrevenir au dogme communiste » .

Fini le temps où l’ancien professeur d’anglais était cité en exemple par le Parti comme l’archétype de l’entrepreneur sachant prendre des risques. Le préoccupant symptôme d’un lynchage en ligne, effet de la centralisation excessive éliminant systématiquement tous les contrepouvoirs et la pensée libre, fait surgir le spectre de la révolution culturelle de très sinistre mémoire.

L’avenir dira si Jack Ma, devenu plusieurs dizaines de fois milliardaire grâce au commerce en ligne dont il fut le premier en Chine à anticiper le potentiel presque infini, prête lui-même le flanc à une riposte politique.

Le corset du contrôle central et ses effets pervers.

Nous n’en sommes pas là. Les régulateurs se contentent pour l’instant de proposer de nouvelles contraintes applicables aux prêteurs en ligne dont l’essentiel sera d’abord d’augmenter leurs réserves obligatoires en cash et d’inscrire à leurs bilans les risques crédits liés au défaut de remboursement de leurs dettes par les débiteurs.

Signe d’un resserrement des contrôles, leurs opérations ne seront plus supervisées par les autorités locales, mais directement par la Banque Centrale ou par la Commission de Régulation Boursière. Leurs prêts seront limités à des emprunteurs à l’intérieur de leurs provinces d’origine et ne pourront pas être utilisés pour des investissements financiers et immobiliers ou pour le paiement des hypothèques.

Les nouvelles contraintes qui réduisent drastiquement le scope des activités des banques en ligne handicaperont le secteur en plein essor des prêts de faible montant à des entrepreneurs ou à des artisans qui ne peuvent pas accéder aux prêts bancaires classiques, mais souhaitent malgré tout tenter une opération immobilière pour renflouer leur trésorerie.

Dans une analyse du SCMP du 3 novembre, Alison Tudor, basée à Hong Kong, ancienne spécialiste financière du WSJ pour l’Asie, pointe du doigt le paradoxe que l’offensive visant le géant de la finance en ligne aboutit in fine à infliger un coup direct au micro-crédit dont la somme était évaluée 1430 Mds de $ au 30 juin dernier et à gêner les flux financiers vers les PME pourvoyeurs d’emplois.


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