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Le cinéma chinois à l’honneur

Le cinéma chinois a été à l’honneur en 2019.

En France, « Séjour dans les monts Fuchun » de Gu Xiaogang, jeune auteur de 31 ans, né sur les rives de la rivière Fuchun, à Fuyang, devenu par l’extension urbaine galopante un quartier de Hangzhou, a été sélectionné pour clôturer a 58e édition de la critique au festival de Cannes.

Aux États-Unis, la chinoise Awkwafina (林家珍 Lín Jiazhen), a reçu le Golden Globe de la meilleure actrice dans la catégorie comédie, pour son interprétation du personnage de Billi dans le film l’Adieu de Lulu Wang.

春江水暖. Séjour dans les monts Fuchun

Le film, dont le titre chinois 春江水暖 - chun jiang shui nuan - suggère la douceur d’une vallée au printemps, était programmé à la cinémathèque de Paris en juin 2019, après avoir clôturé la 58e édition de la critique au festival de Cannes en mai. Le choix était judicieux, car le film est une perle rare.

Gu a grandi sur les lieux même du célèbre rouleau horizontal 富春山居圖, qui a inspiré le titre du film. Peint entre 1348 et 1350, au temps de la dynastie mongole des Yuan par Huang Gongwang 黄公望, l’original, archétype de la peinture de paysages (山 水 shan shui) composée de montagnes et de rivières est coupé en deux parties, partagées entre les musées de Pékin et de Taipei.

Le travail cinématographique qui a duré 2 ans, accomplit la prouesse de relier deux époques à 7 siècles d’intervalle, grâce au fil conducteur du fleuve, symbole du temps rythmé par la vie au passage des saisons, thème de la peinture.

Comme le pinceau des peintres, la caméra présente d’abord les paysages vus de loin, puis de proche en proche, elle s’intéresse aux personnages et à leur vie quotidienne. Minuscules, perdus dans la vaste nature, ils prennent progressivement de la substance par l’observation insistante du réalisateur.

D’une grande subtilité esthétique, le pari, à cheval sur les siècles, réussit la lente peinture d’une famille de 4 fils et de leur vieille mère à l’esprit malade, résultat d’une attaque qui la frappe au début du film, alors que ses enfants réunis fêtent son anniversaire.

Au croisement des siècles.

Les tableaux décrivent avec une grâce bienveillante et mélancolique, la société chinoise moderne tendue entre les résignations de la fatalité et les émotions de l’espoir ; entre le poids insistant des traditions et le surgissement trépidant de la modernité ; entre la famille protectrice et les élans hasardeux de l’individualisme.

Effervescente, traversée par l’appât de l’enrichissement immobilier, la frénésie des constructions, la destruction des paysages et des anciens repères, la peinture balance entre le grand angle de la vue d’ensemble et l’étroite focale des conflits de personnes, des projets prosaïques de mariage et des problèmes d’argent des uns, juxtaposés à la réussite des autres.

L’un des insistants arrière-plans du film, au-delà des égoïsmes, est la tolérance et la patiente affection des familles chinoises, dont, en dépit des discordes, personne n’est jamais exclu.

*

Première partie d’une trilogie à venir, « Séjour » est tout entier porté par le mythe symbolique de la peinture en rouleau horizontal qui, en réalité, a, dans l’esprit des Chinois, deux références lointaines. Gu Xiaogang y puise ses inspirations. Les unes sont les racines de l’histoire millénaire ; les autres celles de la vallée et des montagnes qui l’ont vu grandir.

Cette dernière est celle empruntée par l’auteur pour le titre occidental du film (Dwelling ou Séjour - en Chinois 居 - Ju - de 富春山居圖 ).

Peinture de l’eau, parabole de l’insaisissable fluidité du temps qui passe, l’œuvre de Huang Gongwang, franchissant les siècles, télescope la Chine moderne dont Hangzhou qui accueillit le G.20 en 2016, siège d’Alibaba, du commerce en ligne et de nombreuses « start-up », est un des plus rutilants symboles.

L’autre référence en rouleau est plus ancienne et tout aussi célèbre. Elle date de la dynastie Song (960 - 1279) qui, sous la pression militaire des Mongols, dut se replier au sud, précisément à Hangzhou où elle devint la dynastie des « Song du sud ».

Tous les Chinois connaissent le titre du rouleau : 清明上河图 - Qing Ming Shang He Tu. Communément traduit par « Le long de la rivière pendant la fête du Qing Ming - 清明节 Qing Ming Jie » (jour désigné en Chine pour le nettoyage des tombes - équivalent des fêtes de la Toussaint -), il eut une réplique au XIXe siècle, portant le même titre.

Contrairement celle de Huang Gongwang, les deux peintures du Qing Ming Jie présentent un multitude de personnages et d’animaux, témoins de la vie le long du fleuve dans une grande ville chinoise. Clairement ces deux versions du Qing Ming Jie - celle des Song et sa réplique au 19e siècle - sont avec le 富春山居圖, de Huang Gongwang, l’autre source d’inspiration de Gu.


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