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›› Politique intérieure

La proximité avec Vladimir Poutine en question. Vifs débats internes

Quelle stratégie pour Pékin ?

En ligne de mire, Hu avance deux objectifs stratégiques essentiels 头等大事 que Pékin devrait s’attacher à atteindre.

1) Éviter que les États-Unis, l’Occident et leurs alliés s’accordent pour conjointement sanctionner la Chine 止美国和西方对中国进行连带制裁 et la confrontent ensemble en Asie Pacifique.

La perspective d’isolement est décrite en détail : « l’Europe se coupera davantage de la Chine 欧洲将进一步与中国切割, le Japon 日本 deviendra 成为 l’avant-garde 先锋 de l’anti-Chine 反华急 et la Corée du Sud se rapprochera encore plus de l’Amérique 韩国进一步倒向美国. Plus grave, « dans un mouvement suivi par Taïwan et porté par les valeurs et les systèmes occidentaux 西方价值观和制度 qui défient 挑战 Pékin, se dessinera l’encerclement militaire 进一步围堵 de la Chine par les États-Unis, l’OTAN, le QUAD et l’ANKUS. »

2) Autre objectif stratégique de premier rang pour Pékin selon Hu, récemment exprimé par l’Ambassadeur de Chine à Washington à l’occasion de la commémoration du cinquantième anniversaire de la visite en Chine de Richard Nixon en février 1972, le nécessaire apaisement de la relation avec les États-Unis et l’Occident.

L’auteur mentionne cette priorité dans sa conclusion qui résume son propos. « Non seulement la Chine ne peut continuer à se tenir proche de Poutine, 中国不仅不能与普京站在一起, mais elle doit faire de son mieux 竭力 pour empêcher qu’il se lance dans une aventure risquée 阻止普京的可能的冒险. »

Puis exprimant une confiance peut-être excessive dans la capacité d’apaisement de Pékin, Hu anticipe que le retrait affiché de l’appui de Pékin à Moscou pourrait empêcher l’extension du conflit 至少不敢贸然升级战争, et peut-être y mettre fin. 大概率能结束战争. » « La Chine étant le seul pays ayant ce pouvoir 中国是世界上唯一具有这种能力的国家 », « elle doit mettre à profit cet avantage unique 必须发挥这一独特优势 ».

Il ajoute « par cette stratégie, contribuant à la paix du monde 维护世界和平 , la Chine gagnerait les éloges de la communauté internationale, 中国必将赢得国际上的普遍赞赏 ; non seulement ce choix réduirait son isolement 有助于摆脱被进一步孤立的局面, mais il pourrait aussi être l’occasion 契机 d’améliorer 改善 les relations 关系 avec l’Amérique et l’Occident 美国和西方.

A côté de ces débats internes exprimant la réticence d’une partie de l’appareil à soutenir l’aventure militaire de Vladimir Poutine en Ukraine, une autre occurrence suggère qu’à la suite des menaces américaines rappelées par Jack Sullivan le 14 mars (lire : La proximité sino-russe à l’épreuve de la guerre), Pékin n’est pas prêt à défier directement Washington.

Les groupes publics mis en attente.

Récemment, selon des sources chinoises anonymes, citées par Reuters, le ministère des Affaires étrangères a convoqué les responsables de trois grands groupes d’hydrocarbures chinois pour leur enjoindre de freiner la mise en œuvre de leurs projets et de leurs investissements en Russie. Même si les trois géants chinois des hydrocarbures contrôlés par l’État - Sinopec, China National Petroleum Corp. (CNPC) et China National Offshore Oil Corp. (CNOOC) – calculent avec inquiétude l’impact de la guerre en Ukraine sur leurs affaires, leur marge de manœuvre politique est nulle.

Déjà Sinopec a suspendu les négociations avec SIBUR, n°1 de la pétrochimie russe pour un projet conjoint de 500 millions de $ après avoir appris que l’un des oligarques Gennady Timchenko, proche de Vladimir Poutine détenant une part minoritaire dans SIBUR était une des cibles des sanctions occidentales. Signé le 28 décembre 2020, le projet de JV (à 60% pour SIBUR et 40% pour SINOPEC) prévoit une usine géante de plastic et d’éthane, située à Svobodny, à l’est de la Sibérie 200 km au nord du fleuve Amour dont la mise en œuvre opérationnelle était annoncée pour 2024.

C’est également parce que le même Gennady Timchenko ciblé par les sanctions est le premier actionnaire de Novatek, n°1 des producteurs de gaz russes, que Sinopec a suspendu les négociations avec lui pour une JV dont l’objectif était d’ouvrir un nouveau canal de livraison du gaz naturel russe à la Chine. Pour autant, si les grands groupe gèlent leurs projets, en revanche, il est probable que la myriades de PME chinoises continueront leurs affaires en Russie.

Au passage, alors que la plupart des investisseurs occidentaux quittent la Russie, le Français Total Énergies qui détient 16,3% des actions de Novatek pour des projets d’une valeur totale de 13 milliards d’€, mis sous pression par une polémique publique, a fini par déclarer qu’il renoncerait au pétrole russe à la fin 2022.

Divergences au sommet.

Enfin, en amont du 20e Congrès, la polémique interne qui pointe du doigt la fausse manœuvre stratégique de Xi Jinping ayant rapproché la Chine d’un pays mis au ban par la totalité des pays occidentaux, fait entrer la politique intérieure chinoise dans les eaux agitées d’une lutte de clans.

Elle ravive la querelle cachée, mais bien réelle entre Xi Jinping et Li Keqiang qui fermente depuis 2007, année à laquelle tous les deux sont entrés au Comité permanent, la prévalence ayant été accordée par l’appareil à Xi Jinping. Entre les deux le fossé n’a cessé de s’élargir.

Le président, marxiste convaincu, a propulsé la Chine sur une trajectoire de renouveau en faisant la promotion des « caractéristiques chinoises » frontalement opposées à l’Occident, dessinant un terrain de confrontation avec Washington et avec nombre de pays occidentaux, thème qui l’a rapproché de Moscou, avec en arrière-plan la nécessité de protéger leur régime politique des influences démocratiques occidentales.

Li Keqiang, au contraire a, durant son mandat de Vice-premier ministre (2008 – 2012), étroitement travaillé avec les Occidentaux et notamment avec Robert Zoellik, libéral convaincu, le Président de la Banque Mondiale (2007 – 2012) avec qui il a coopéré à partir de 2010 pour rédiger une vaste étude baptisée « China 2030 ».

Le travail qui analysait dans le détail les réformes nécessaires pour faire évoluer le système économique chinois vers moins d’étatisme et plus d’efficacité privée, avait heurté les tenants de l’économie planifiée et centralisée retranchés à la Commission des actifs de l’État. (En Anglais, State owned Assets Supervision and Administration Commission - SASAC - 国务院国有资产监督管理委员会-)

En arrière-plan, à côté d’un rapport différent au monde et aux institutions dominées par l’Occident, par lesquels Li Keqiang s’est affirmé avec l’aide de Robert Zoellick, la publication du rapport avait été un des jalons les plus concrets du contraste politique entre les deux. Il reste à voir si, dans la période de l’avant-Congrès à l’automne 2022, la dissonance entre Xi Jinping et Li Keqiang pourrait bousculer le pouvoir sans partage que le Président s’est arrogé sur la machine politique chinoise.

D’une part, les tenants du clan des « fils de prince » issu de la nomenklatura maoïste dont fait partie Xi Jinping, où la rémanence étatique nationaliste et souverainiste fond politique des « caractéristiques chinoises », anti-occidentales articulé à la concentration du pouvoir et à la prévalence des grands groupes étatiques ; d’autre part, la mouvance sociale réformiste de la Ligue de la jeunesse communiste, plus ouverte à l’Occident dont Li Keqiang a été un membre actif depuis l’Université de Pékin (1983 – 1985) à 28 ans puis, dix ans plus tard, à la tête de la Ligue (1993 – 1998).

Lors de l’ANP début mars, Li Keqiang avait annoncé sa retraite de la charge Premier Ministre à l’occasion du 20e Congrès. Cependant, rien ne dit qu’il quittera le Comité permanent du Bureau Politique où, n’ayant pas encore atteint 68 ans, la jurisprudence l’autoriserait à rester. Alors que Xi Jinping qui briguera un troisième mandat présidentiel, aura lui-même, à 69 ans, dépassé l’âge fatidique, la polémique autour de la stratégie en Ukraine a allumé une mèche contestataire au sein de l’appareil.

Elle est portée par une mouvance réformiste libérale, prônant la puissance d’entreprise des PME, proche de l’Ouest et opposée au rapprochement avec Moscou. Surtout, elle est la pointe avancée, dont l’efficacité reste à prouver, d’une remise en cause de la gouvernance de Xi Jinping.


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