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›› Chronique

L’Eurasie au cœur des rivalités entre Washington, Pékin, Moscou et Téhéran

De gauche à droite les ministres des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif, chinois Wang Yi, américain John Kerry, russe Sergei Lavrov et le Français Laurent Fabius. Un accord préliminaire sur la fermeture du programme nucléaire a eu lieu entre l’Iran et les P5+1 (5 membres permanents du Conseil de sécurité + l’Allemagne) le 2 avril 2015. Mais les rivalités de posture entre Washington, la Chine et Moscou qui courtisent Téhéran pourraient le faire capoter.

La relative détente des relations entre la Maison Blanche et Téhéran dont l’administration de Washington espère une modification des rapports de force au Moyen Orient en faveur des intérêts américains sur fond de lutte contre l’État Islamique, n’est qu’un aspect d’une manœuvre globale dont l’enjeu est la partie orientale de Eurasie. Confrontée aux pressions commerciales et militaires des États-Unis dans son environnement stratégique immédiat, Pékin a depuis plus d’une année développé une approche indirecte vers l’Asie du Sud-est, l’Asie Centrale, l’Iran la Russie et l’Europe.

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Les parades militaires à Moscou et Pékin. Un parfum de guerre froide.

La dernière parade militaire de l’APL avait eu lieu le 1er octobre 2009 sur l’avenue Changan.

Identifiée comme une « nouvelle route de la soie », appuyée par les succès de la Banque asiatique d’infrastructures et les importants contrats gaziers avec la Russie, la stratégie chinoise qui vise à contrer l’influence globale américaine rencontre celle de Moscou aux prises avec les pressions américaines à propos de l’Ukraine et les projets anti-missiles du Pentagone dont une version est également en cours d’installation en Asie du Nord-est.

Les deux se retrouveront dans leurs projets parallèles de célébrer en commun la victoire « contre le nazisme » et le « militarisme japonais », en septembre à Pékin et le 9 mai prochain à Moscou, où a été convié Kim Jong Un, le petit fils de Kim il Sung, actuellement au pouvoir à Pyongyang.

La commémoration de la victoire par une grande parade militaire est habituelle en Russie, mais ce sera la première fois que Pékin fera défiler l’APL pour fêter la victoire de 1945 contre le Japon. Mais sur le théâtre asiatique, la célébration commune avec Moscou tiendra cependant plus d’une réécriture opportuniste de l’histoire que de la réalité. L’armée soviétique, durement engagée à l’ouest, n’a en effet contribué à la défaite de Tokyo qu’en s’engageant à la 11e heure. Jusqu’au 8 août 1945 – exactement entre les deux attaques nucléaires américaines contre Hiroshima et Nagasaki -, Staline avait en effet respecté un traité de neutralité signé le 13 avril 1941 avec Tokyo.

Ce n’est que lorsque la défaite japonaise fut pratiquement consommée que les troupes soviétiques attaquèrent les Japonais en Mandchourie en vertu d’un accord signé à Yalta entre Staline et Roosevelt où la Chine encore aux prises avec la guerre civile, n’était pas représentée. S’il est vrai qu’elle a probablement contribué à la reddition rapide du Japon, la participation de l’armée soviétique à la victoire en Asie n’a pas la même signification que sur le théâtre européen où les pertes humaines russes sont évalués à plus de 30 millions (tués, blessés et disparus).

La décision du régime chinois de commémorer la victoire de 1945 le 3 septembre remonte à une loi votée par l’ANP le 27 février 2014. Le texte législatif comportait également le choix du 13 décembre pour commémorer le massacre de Nankin par les troupes japonaises qui tient une place particulière dans la mémoire chinoise des atrocités de la guerre.

Mais c’est le 24 janvier 2015 que Hua Chunying, porte parole du Waijiaobu annonça officiellement l’organisation à Pékin d’une parade militaire en septembre coprésidée par Vladimir Poutine et Xi Jinping. Au milieu des tensions dans les mers de Chine de l’est et du sud avec Tokyo, Washington, Hanoi et Manille qui font écho à la crise feutrière en Ukraine assortie de sanctions contre Moscou, le rapprochement autour de parades militaires prend une dimension particulière.

La stratégie concertée des missiles sol-air.


Un raidissement de Téhéran, Moscou et Pékin contre Washington.

Mais la connivence entre Pékin et Moscou ne s’arrête pas là. S’appuyant sur un programme russe de ventes de missiles sol-air à l’Iran et à la Chine, elle empiète sur la stratégie américaine au Moyen Orient. Le 13 avril, Vladimir Poutine approuvait la vente à Téhéran d’un système de missiles anti-aériens S-300. Ces derniers ne figurent certes pas parmi les derniers nés des panoplies sol-air, mais leur déploiement en Iran pourrait rendre les menaces de raids aériens américains ou israéliens moins crédibles.

L’initiative russe qui complique les rapports de la Maison Blanche avec un Congrès très méfiant de l’accord avec l’Iran conclu 11 jours plus tôt, était clairement destinée à freiner le retour d’influence de Washington à Téhéran. Elle brouille la stratégie de la Maison Blanche articulée à la fois autour de la promesse de levée graduelle des sanctions contre Téhéran et de la menace de renverser radicalement le cours de l’ouverture en cas de raidissement du régime iranien.

En même temps on apprenait que depuis novembre dernier des pourparlers discrets avaient lieu avec Pékin pour vendre à la Chine 6 unités de missiles sol-air S-400 plus modernes, pour une valeur totale de 3 Mds de $, comprenant au total 48 lanceurs capables d’engager simultanément plus d’une trentaine de cibles à une distance de 400 km et une altitude de 16 km.

Alors que le complexe militaro-industriel russe craint les captations de technologies des ingénieurs chinois, la décision a assurément une grande valeur stratégique. Elle est la contrepartie de l’accord gazier signé en mai 2014 entre Gazprom et la Chine qui offrit à la Russie une alternative aux ventes à l’UE et desserra les capacités de pressions contre Moscou des capitales européennes.


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