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›› Chronique

Aux États-Unis les chercheurs sino-américains victimes d’une cabale raciste

En 2018, le ministère américain de la justice avait rendu publique sa « China initiative » pour, disait-il, « tenir à distance les risques pour la sécurité nationale liés aux réseaux d’influence chinois. »

En janvier dernier, l’arrestation de l’ingénieur en mécanique et nanotechnologies Gang Chen, américain d’origine chinoise et professeur au MIT, accusé de n’avoir pas révélé ses liens rémanents avec la République Populaire de Chine, avait provoqué de fortes controverses dans le monde des scientifiques américains [1].

Rafael Reif, le président du MIT lui-même était intervenu par une déclaration publique en faveur de la communauté scientifique sino-américaine « Nous apprécions vos contributions en tant qu’étudiants, collègues, enseignants, innovateurs et dirigeants, et nous vous apprécions personnellement en tant qu’amis, tout comme nous apprécions chaque membre de la famille mondiale du MIT, y compris le professeur Chen et sa famille. »

En réalité Rafael Reif ne niait pas que le professeur Chen pourrait être coupable de n’avoir pas révélé ses liens avec la Chine, mais il interrogeait à la fois la sévérité potentielle de la sanction qui pourrait le jeter pour vingt ans derrière les barreaux et l’atmosphère de chasse aux sorcières instillée par le département de la justice.

Pour lui, « la China initiative » judiciaire de Washington propage un amalgame toxique et menaçant, catégorisant sans nuance les Américains d’origine chinoise rabaissés à des « tricheurs » et à des « voleurs ». Le projet englobe dans une même défiance la nationalité et l’ethnicité chinoises, l’actuel exécutif à Pékin sur fond de risques de sécurité portés par le Parti communiste contre l’Amérique.

Toujours pour discréditer la démarche du département de la justice, le recteur du MIT qui suggère d’abandonner le projet, poursuit, « il n’est pas certain que la démarche punitive ainsi engagée contre des personnalités d’origine chinoise pourrait réellement dissuader les menaces sur la sécurité nationale que fait peser la République Populaire ».

En revanche, commente en substance Maggie Lewis professeur de droit chinois à Seton Hall University dans le New-Jersey, l’initiative qui finit par suspecter tous les savants chinois de collusion avec la République populaire porte le risque de scléroser le potentiel d’innovation des universités américaines et de leur communauté de chercheurs.

Une chasse aux sorcières et un biais racial.

La controverse n’est pas retombée. Onze mois après le professeur Chen, c’est au tour de Charles Lieber, l’ancien Directeur de la chaire de chimie à Harvard de faire face à la justice pour avoir dissimulé ses connexions financières avec la Chine. Arrêté en janvier 2020, son procès a commencé à Boston le 14 décembre au milieu des protestations du monde universitaire.

Les principales critiques dénoncent un glissement ayant dénaturé le projet. Au lieu de se focaliser preuves à l’appui sur des réels cas d’espionnage, il installe une angoisse dans la communauté des chercheurs sino-américains ou chercheurs associés de nationalité chinoise qui forment 90% des accusés au seul prétexte de leurs liens avec la Chine.

Le climat de peur ainsi créé a déjà poussé certains scientifiques de talent à quitter les États-Unis et sérieusement compliqué le recrutement d’une relève dans le vivier des chercheurs chinois ou sino-américains.

Preuve que l’ambiance est à une chasse indiscriminée souvent sans preuves réelles, en juin dernier la justice a classé sans suite six affaires incriminant des Chinois. Mais le mal est fait.

En septembre dernier, le jugement de Hu Anming 胡安明 professeur de nanotechnologies à l’Université du Tennessee à Knoxville, emprisonné pendant dix-huit mois, s’est soldé par l’abandon pur et simple de toutes les charges retenues contre lui.

Dans un article publié par le New-York Times le 28 novembre, Hu confessait que sa comparution au tribunal avait été la période la plus sombre de sa vie. « Mes droits fondamentaux ont été bafoués, ma réputation a été détruite, mon cœur a été profondément blessé, ma famille a été choquée ».

Le même article faisait état des critiques de chercheurs et d’administrateurs universitaires qui dénoncèrent les effets délétères de la campagne « ayant ralenti la recherche et provoqué une fuite de talents qui pourraient bénéficier à la Chine. »

Enfin, les avocats des accusés dénoncent un biais « raciste » alimenté par les tensions stratégiques avec la Chine, ayant contribué à une augmentation de 71% des violences contre les Américains d’origine asiatique entre 2019 à 2020.

« Ils ont transformé la « China initiative » en un instrument de discrimination raciale », dénonce Judy Chu, parlementaire démocrate de Californie, première femme sino-américaine élue au Congrès. « Ils en ont fait un moyen de terroriser les scientifiques et les ingénieurs chinois. » (…) Quelque chose dans ce projet a dramatiquement mal tourné. »

Le 12 octobre le FBI avait fait une mise au point dans laquelle il affirmait qu’il n’y a rien de raciste dans ses investigations.

Les agents enquêtaient simplement sur des soupçons d’activité criminelle posant un risque pour la sécurité nationale sans distinction de race, d’origine ethnique ou nationale, « travaux de recherches détournés, cyber-intrusions dans les réseaux, corruption, sont quelques-unes des stratégies utilisées par le gouvernement chinois pour menacer l’économie, la sécurité nationale et les valeurs démocratiques des États-Unis ».

Il ajouta « soyons clairs : il ne s’agit pas du peuple chinois, et encore moins des Américains d’origine chinoise. Lorsque nous parlons de la menace chinoise, nous entendons la menace posée par le gouvernement et le Parti communiste chinois. »

Note(s) :

[1Les chefs d’accusation font état de la dissimulation de récompenses que lui aurait attribuées le gouvernement chinois, d’un compte bancaire étranger caché et de fraude fiscale.


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