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Assainissement des finances, effets de la guerre commerciale et impact du crédit social des entreprises

Effets de la guerre commerciale sur le tissu industriel.

Dans la dernière livraison de « China Leadership Monitor » Li Shaomin fait le point des conséquences en Chine de la querelle avec Washington, dont on voit bien qu’elle est un dialogue de sourds, puisque la Maison Blanche nourrit le projet irréaliste de modifier les arcs-boutants même du système politique chinois, pour qui « le libre marché » a un effet politique répulsif.

Le principal effet des harcèlements douaniers de D. Trump contre la Chine oblige Pékin à reconsidérer – c’est en cours - le paradigme de sa croissance, jusque-là articulé en partie aux investissements étrangers. Ces derniers, déjà échaudés par l’augmentation du coût de la main d’œuvre, la hausse des impôts et la persistance des restrictions administratives, reculent. Une autre conséquence visible est la relocation hors de Chine des entreprises étrangères.

Li Shaomin estime que, dans les années qui viennent, les migrations affecteront jusqu’à 5 millions d’emplois. Il ajoute que, « compte-tenu de l’issue incertaine de la guerre commerciale et des obstacles structurels handicapant une réforme de fond du système économique chinois, les perspectives à terme sont sombres ». (…)

« Le nombre de sociétés quittant la Chine ne faiblira pas. Les partantes ne seront pas remplacées par de nouvelles qui hésiteront à s’installer. » (…). « Le Parti a certes pris des mesures d’ouverture, mais à ce jour elles sont insuffisantes pour amortir le choc ».

« Entre octobre 2018 et octobre 2019, 50 groupes étrangers pour la plupart américains et japonais dont Apple, Samsung, HP, Dell, Microsoft, Foxconn, et Suzuki ont quitté la Chine ». Ils se réinstallent principalement au Vietnam, en Thaïlande, à Taïwan, en Inde, au Cambodge et (2e choix) au Mexique. Beaucoup de Japonais rentrent au Japon. Leur principale motivation est d’échapper aux droits de douane de la guerre commerciale.

Plus encore, passée la phase d’observation de la nouvelle situation, 70 autres groupes envisagent de partir. Déjà, ils diminuent leurs investissements.

Même 50% de leurs co-entreprises chinoises réfléchissent à se délocaliser. Une enquête de Backer McKenzie portant sur 600 entreprises en Asie-Pacifique estime que 82% des entreprises chinoises envisagent de modifier leurs circuits d’approvisionnement à la suite de la guerre commerciale. Elles aussi réduisent leur dépendance à des sous-traitants chinois.

Coûts de production, crédit social et instabilité légale.

L’article fait aussi l’inventaire des facteurs à l’origine des départs. Ils vont de l’augmentation des droits de douanes (1re cause) à la hausse des coûts de production (salaires, taxes, prix de l’énergie), en passant par les contraintes administratives et le paradigme politique et socio-économique. Ce dernier, dit l’article, est le 2e facteur des départs.

La volonté du parti de contrôler de l’intérieur le fonctionnement des entreprises, y compris les étrangères qui s’ajoute à l’impact mal connu du crédit social sur les sites de production, constitue un répulsif pour nombre de sociétés. (Voir l’annexe).

Enfin, l’expérience montre que la manière dont sont traitées les entreprises étrangères évolue avec le temps. Tant qu’aux premières années de la réforme, la Chine avait besoin de capitaux et souhaitait profiter des expériences de gestion des groupes étrangers, ces derniers bénéficiaient d’un traitement administratif favorable.

Plus tard quand les investissements ont commencé à affluer et que les entreprises locales eurent acquis un savoir-faire de gestion, les régimes d’exception disparurent progressivement. La même instabilité existe dans le système juridique du fait de l’absence d’équité dans l’application des lois. Compte-tenu de l’asymétrie de puissance et de l’importance du marché chinois pour nombre d’acteurs, les ripostes légales des investisseurs étrangers sont rares.

ANNEXE.

Le crédit social des entreprises.

Plusieurs médias français dont l’Opinion, Les Echos, Le Figaro et France 24 ont récemment évoqué les effets pervers de l’intrusion politique du Parti dans les entreprises.

Poussant au bout l’analyse des effets de la logique du contrôle politique, certains comme Jörg Wuttke, président de la Chambre de Commerce européenne en Chine estiment que « le crédit social des entreprises pourrait signifier “vie ou mort “ des entreprises pour les sociétés étrangères. ».

Celles-ci, précise le rapport de la Chambre, pourraient se voir appliquer des sanctions telles que «   des inspections et des audits ciblés plus fréquents, des restrictions dans la délivrance d’autorisations gouvernementales (par exemple des droits d’utilisation des terres et des permis d’investissement) ; elles pourraient aussi être exclues des politiques préférentielles (par exemple des subventions et des remises fiscales), des restrictions aux marchés publics ainsi que des soumissions aux accusations publiques  ». (…)

« Si une entreprise est inscrite par les autorités sur une liste noire, alors elle serait soumise à «  une liste complète de sanctions conjointes  ».

Même l’UE qui négocie depuis 2013 un accord sur les investissements avec Pékin – les deux en sont à la 7e session du dialogue - s’est émue des conséquences « mal connues » du crédit social. Dans une note de l’Institut Montaigne du 15 octobre, François Godement et Eric Chaney font la part des « vices et des vertus » de l’intrusion politique dans l’économie.

S’il est vrai qu’en théorie les « notations sociales » pourraient inciter les sociétés chinoises à plus de transparence et à intégrer les critères de bonne gouvernance, d’attention aux questions sociales et à l’environnement dits « critères ESG », la vérité oblige à dire que la définition des éventails de notation et le respect des critères sont des inconnues incitant à la méfiance : « Rien ne garantit que les règles ne soient pas changées de façon discrétionnaire, selon les fluctuations de la ligne du parti communiste. » dit le Conseiller économique Eric Chaney.

Encore plus prudent, François Godement met en garde contre « la collecte massive de données créant un véritable portrait de chaque entreprise, la non-fiabilité des informations (des marques peuvent se voir imputer les violations du droit de propriété par les faussaires s’appropriant leur nom), l’opacité des algorithmes et le risque évident de politisation en cas de conflit international. »


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