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›› Chronique

A Hong Kong, mansuétude contre des mineurs. Mais inflexible brutalité contre le Cardinal Zen abandonné par le Pape François

Un militant infatigable détesté par le Parti Communiste.

Joseph Zen, Shanghaïen né en 1932 dans une famille catholique pendant la guerre civile a émigré à Hong Kong en 1948 avec ses parents, une année avant la prise de pouvoir communiste en Chine. Devenu une figure emblématique du mouvement pour les droits et la démocratie à Hong Kong, il a été ordonné prêtre à Turin en 1961.

Trois ans plus tard, à 29 ans il est docteur en philosophie de l’Université Saint-François de Sales à Rome. De retour dans la colonie britannique en 1989, il fut le premier prêtre chinois autorisé à enseigner six mois par an sur le Continent dans les séminaires de l’église patriotique contrôlée par le parti. Il en profite pour prendre contact avec l’église catholique « souterraine » et se familiariser avec les pressions exercées par l’appareil sur le clergé chinois.

Pour cette raison, en 1996, le Pape Jean-Paul II qui, fort de sa propre expérience dans l’ancienne « Europe de l’Est  », appréciait son combat politique, l’avait nommé évêque coadjuteur de Hong Kong avec la mission de renforcer les liens avec l’église du Continent. En 2002, à 70 ans, à la mort du Cardinal Wu, il devint l’évêque de Hong Kong. Quatre ans plus tard il était nommé cardinal par Benoît XVI. Il avait alors 74 ans.

C’est peu dire que, heurté par les prises de position politiques, le Parti n’a jamais apprécié ce prélat militant et rebelle. Quand, le 1er octobre 2000, Jean-Paul II, oubliant que la date était aussi celle de la Fête Nationale chinoise, avait canonisé 120 chrétiens martyrs (87 chinois et 33 étrangers) que l’appareil considérait comme des traitres à la nation chinoise (lire : Le Pape François en Corée. Retour sur les relations entre le Vatican et la Chine), Joseph Zen infatigable militant de la cause catholique, avait rédigé un plaidoyer pour défendre le Vatican.

Entre 2003 et 2019, ne cessant de clamer que la foi catholique était opprimée par le Parti sur le Continent, il fut un opposant résolu aux législations anti-subversion, au projet d’extradition vers la Chine de Carrie Lam et à la Loi sur la Sécurité Nationale dans la R.A.S.

En 2004, il avait porté devant la justice du Territoire, la Loi sur l’éducation que l’appareil tentait de promouvoir et dont il répétait qu’elle portait le risque que Pékin l’utilise pour alourdir sa tutelle politique sur l’église. C’est bien pour ce militantisme qu’il juge immodéré que le Pape François, Jésuite rompu à la recherche des compromis subtils et inattendus, tient à distance le Cardinal. Lors de la dernière visite à Rome du Cardinal, il ne l’avait pas reçu en audience.

Alors que le Vatican s’est, par un accord conclu le 22 octobre 2018, renouvelé en 2020, résolument engagé avec Pékin dans un vaste compromis, Zen avait en 2019, en pleines émeutes anti-Pékin, donné de la voix pour dénoncer « une trahison et un scandale » qui abandonne les Catholiques chinois aux mains du Parti. Il reproche qu’aux termes de l’arrangement, la nomination des évêques donne la prévalence de leur désignation à l’église officielle chinoise, que les instances de Rome ne font qu’entériner.

Bras de fer avec le Vatican et le pari chinois du Pape François.

Élargissant la critique, alors que beaucoup s’étonnent que le Vatican n’ait pas réagi à la maltraitance des Ouïghour, il dénonce le fait que « pas une seule fois le Pape n’a élevé le ton sur la brutalité du Parti à Hong Kong  ». Aujourd’hui, Zen mesure la rancœur du Saint-Siège. Alors qu’il est tombé dans la machine policière chinoise, les réactions de François ont été à la fois tièdes et ambigües.

Après avoir exprimé sa « préoccupation », lors de son arrestation en mai, le Saint-Père n’a en même temps cessés cessé de répéter qu’il privilégiait le dialogue à l’affrontement brutal, tout en souciant de respecter la mentalité chinoise.

Revenant sur les accusations d’atteintes aux droits sans cesse rappelées par le Cardinal chinois, il a insisté sur la « complexité du pays ». En filigrane, François rompu à la « casuistique  » pragmatique et au compromis semble reprocher au Cardinal chinois de se laisser emporter par ses émotions. En Chine communiste, contre qui Joseph Zen à la retraite depuis plus de dix ans, ne cesse de le mettre en garde, François fait à l’évidence le pari pragmatique qu’en dépit des risques, un compromis ferait avancer la cause de l’église catholique dans le Monde.

*

Pour l’instant le bilan de l’accord de 2018 n’est pas entièrement probant. A l’automne 2018, le Vatican avait, signe de bonne volonté, reconnu huit évêques déjà nommés par Pékin, sans son approbation. En échange, Pékin avait reconnu deux évêques désignés par l’église clandestine.

Mais, pour Ed Condon, journaliste américain, éditeur de l’Agence d’information catholique dont le siège est à Denver au Colorado, « ce qui semblait être un début prometteur a peu à peu marqué le pas. À ce jour, seuls cinq évêques ont été consacrés pour des diocèses chinois selon les termes de l’accord. Et l’un d’entre eux, Mgr Thomas ChenTianhao, a été consacré avant même que le Vatican ne soit au courant. »

Ce n’est pas tout : « Entre-temps, peu avant le renouvellement de l’accord en octobre 2020, Mgr Guo Xijin, autrefois clandestin, a démissionné de ses fonctions d’évêque auxiliaire de Mingdong, déclarant qu’il ne pouvait pas, en conscience, adhérer à l’Église affiliée à l’État, mais qu’il ne serait pas un « obstacle au progrès », en gênant le processus diplomatique.

L’épisode rappelle qu’en juillet 2012, le cardinal Thaddeus Ma Daqin évêque de Shanghai, ordonné par l’Église officielle et le Vatican avait renoncé à l’Église officielle dite « patriotique  ». Après quoi, le Parti l’avait placé en résidence surveillée. Que le pape François soit, depuis son élection en 2013, toujours resté muet sur ce cas, s’abstenant de condamner les représailles de l’appareil, est un des principaux reproches que lui adresse le Cardinal Zen.

Enfin, selon des proches du Saint-Siège des voix internes commencent à s’élever contre la fixité intellectuelle du Pape qui écarte ses contradicteurs.

En 2017, rappelle encore Ed Condon, « l’archevêque Savio Hon Tai-Fai, le seul haut fonctionnaire d’origine chinoise de la curie, a été rétrogradé de son poste de secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples et réaffecté comme ambassadeur du Saint-Siège en Grèce. » (…) Mgr Hon était largement connu à Rome pour être un “sceptique“. Il avait notamment évoqué la façon dont les communautés clandestines se sont senties abandonnées par le Saint-Siège.

En 2019, l’ancien supérieur hiérarchique de Mgr Hon, le cardinal Fernando Filoni, a également été rétrogradé de son poste de préfet de la congrégation et réaffecté comme grand maître de l’ordre du Saint-Sépulcre. Expert de l’Église en Chine, il avait pourtant vécu des années à Hong Kong, où il avait été l’’émissaire de Jean Paul II auprès des évêques du continent, aussi bien les « clandestins  » que ceux affiliés à l’Association patriotique des catholiques chinois.

Au sein de la curie, sa réaffectation avait été largement attribuée, à l’influence du cardinal Pietro Parolin, l’architecte de l’accord entre le Vatican et la Chine.


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