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›› Chronique

A Hong-Kong, l’ancien gouverneur Donald Tsang condamné à la prison ferme

« La loi est dure, mais c’est la loi », c’est par ces mots ancrés dans l’obligation de se conformer au droit qu’en 2009, François Roux, l’avocat de Duch, le geôlier tortionnaire et assassin de la prison S21 comparaissant devant le tribunal des Khmers Rouges à Phnom-Penh, avait commencé une de ses plaidoiries. Par cette apostrophe provocante, il réclamait la mise en liberté immédiate de son client qui, n’ayant pas encore jugé, était retenu prisonnier très largement au-delà de la durée légale de la garde à vue.

La requête de l’avocat français avait fait sensation et suscité un déluge de commentaires incrédules et choqués, articulés autour de considérations non pas juridiques mais morales, interrogeant la pertinence de mettre en liberté un si cruel meurtrier de masse. Les critiques les plus fréquentes évoquaient logiquement « le mérite », vertu morale, auxquelles François Roux répondait que l’application de la justice n’était pas une affaire de morale, mais de droit.

Toutes proportions gardées, les occurrences n’étant comparables que dans le principe illustrant la dichotomie entre droit et morale, la récente condamnation de Donald Tsang par un tribunal de Hong Kong à 20 mois de prison ferme pour trafic d’influence dans une affaire remontant à 2012, a entraîné des réactions du même ordre, mais exactement inverses dans leur intention.

Alors qu’à Phnom-Penh les « offusqués » réclamaient qu’on ne relâche pas Duch, à Hong Kong, ils se lamentèrent qu’on emprisonne une figure aussi emblématique de la société.

Une première dans les annales de Hong Kong.

Ancien responsable des finances du temps de la règle britannique, puis chef de l’exécutif de la nouvelle Région Administrative Spéciale, Tsang avait été nommé par Pékin à la tête de la R.A.S. en 2005, à la suite de manifestations monstres protestant contre la tentative d’introduire dans la loi fondamentale un article (art.23) dit anti-subversion, limitant les libertés.

Réélu en 2007, avec plus de 81% des voix, Tsang avait, en dépit des polémiques de la fin de son mandat, laissé dans le paysage politique de Hong Kong le souvenir d’un fonctionnaire consciencieux et efficace. Ses amis comme ses adversaires lui ont rendu hommage pour son constant dévouement à la cause de Hong Kong, en particulier lors de la crise asiatique, durant laquelle il épargna un crash financier au territoire en défendant sans esprit de recul l’amarrage du Dollar de Hong-Kong à la monnaie américaine.

La force de la loi et la compassion.

Pour autant, convaincu d’avoir bénéficié des largesses d’un promoteur immobilier à qui il avait accordé en 2012 des licences d’exploitation d’une chaîne radio, Tsang méritait-il un traitement particulier ? Non, analyse le South China Morning Post qui, l’oeil rivé sur la chasse aux corrompus en Chine, interprète l’affaire comme un coup de semonce adressé à l’oligarchie du territoire vivant largement et en toute opacité du flou des limites entre les affaires et la politique.

Il reste que des circonstances atténuantes furent accordées par le juge Andrew Chan qui, après avoir réduit la sentence de 30 à 20 mois, n’a pas pu s’empêcher d’exprimer sa compassion au moment de rendre le verdict : « Au cours de ma carrière, jamais je n’avais vu un homme tomber d’aussi haut ».

*

Quelle que soit l’origine du coup porté à Donald Tsang, vengeance contre un homme ayant servi la couronne britannique pendant 30 ans, jalousie d’un de ses pairs, représailles d’un solliciteur insatisfait, le jugement qui ne s’est pas embarrassé d’autre considération que le droit, fera date. Il ne manquera pas de secouer le territoire touché dans deux de ses habituels motifs de fierté par lesquels les Hongkongais aimaient à se distinguer du Continent : l’état de droit et la probité des services publics.

Pour une mise en perspective de l’état de droit et de la démocratie à Hong-Kong lire : Hong Kong : un suffrage universel aux « caractéristiques chinoises. »


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