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19e Congrès. Les hommes du président en route pour 2022. 2e Partie : La garde rapprochée et les fidèles des provinces

Contrairement à ses prédécesseurs, l’actuel n°1 chinois, bien que fils de prince, ne se réclame pas d’une coterie particulière. Ni « clan de Shanghai », ni « jeunesses communistes des 团派 », il s’est, au fil des années affirmé comme un pragmatique, privilégiant la qualité et les allégeances personnelles, fervent nationaliste à l’extérieur et farouche conservateur en politique intérieure où, à l’occasion, il n’hésite pas à utiliser l’arme de la lutte contre la corruption pour écarter ses opposants.

Attentif à ne pas remettre en cause le magistère du parti par des réformes telles que l’indépendance de la justice ou une trop grande liberté d’expression critique, méfiant à l’égard des influences occidentales, il a articulé ses efforts autour du redressement éthique, de la modernisation du système productif, du contrôle des investissements et de la remise en ordre du système financier. Par le truchement des « nouvelles routes de la soie », il tente, par une vaste projection extérieure, remède à l’atonie des marchés européens et américains, de maintenir l’activité industrielle chinoise et la croissance, clé de la stabilité politique du pays.

Plus que des membres d’un clan pouvant eux-mêmes avoir des ambitions de pouvoir, ses soutiens sont rassemblés autour de lui par une histoire trempée dans les relations personnelles, la confiance et la loyauté. Comme le souligne Zhang Lifan, 67 ans, historien, sociologue, fondateur de l’association pour la démocratie, ancien membre de l’Académie des Sciences Sociales dont il a démissionné en 2000, le président s’est entouré de collaborateurs qu’il a connus et appréciés dans les provinces du Shaanxi, du Fujian, du Zhejiang, à Shanghai ou encore au cours de ses études à Qinghua.

De nombreuses nominations, écrit Jun Mai dans le South China Morning Post, ont leurs racines dans ces viviers alimentant les groupes dirigeants dont Xi Jinping a pris la tête [1], véritables creusets de l’actuel pouvoir chinois. Le style tranche avec l’ancienne obligation de consensus au sein du Comité Permanent. Plus efficace et plus réactif, il permet des initiatives audacieuses, mais chacun voit bien qu’il porte en lui un potentiel de fronde interne attisée par ceux-là même qui se sentent marginalisés par la tête du régime.

*

La liste qui suit donne une idée du réseau de pouvoir de Xi Jinping dans trois domaines stratégiques : l’économie, le fonctionnement du parti et l’idéologie et la sécurité.

1.- L’économie, clé de la stabilité et du développement.

Liu He. 刘 鹤, n°1 des finances

Sa contribution pour rapprocher le pays de l’économie est capitale. Proche de Li Keqiang, mais aussi ami d’enfance de Xi Jinping, Liu avait, sous l’égide de futur 1er ministre, participé à la rédaction du rapport de la Banque Mondiale « China 2030 », publié en février 2012, dans lequel étaient notamment mises en exergue les obstacles aux réformes de l’économie par les groupes de pression.

Page 65 du rapport on pouvait lire ce paragraphe expliquant à lui-seul le risque que se développent en sous main des contre-pouvoirs : « Le groupe qui résistera le plus aux réformes sera, sans conteste, celui des intérêts corporatistes, tels que les entreprises en situation de monopole sur leur marché, les groupes, institutions ou personnes qui bénéficient de privilèges particuliers ou de traitements préférentiels rendus possibles par l’actuel fonctionnement du pouvoir et des institutions (…) »

« Ces groupes, qui profitent de rentes de situations découlant de leurs relations privilégiées avec les décideurs politiques, protègeront résolument leurs intérêts grâce à leur pouvoir, leurs ressources et leurs connexions. Pour surmonter ces obstacles, le gouvernement devra, à son plus haut niveau, faire preuve de courage, de détermination, de clarté dans l’exposé de ses objectifs et d’un grand charisme politique ». Il est impensable que Xi Jinping qui ne manque pas de charisme, n’ait pas gardé en tête ces réflexions.

Shu Guozeng. 舒國增, n°2 des finances

Après quoi, il a été promu n°2 du groupe dirigeant pour les finances et l’économie supervisé par le président qui s’invite souvent à ses travaux. Admirateur de Mao, qu’il cite souvent dans ses articles, il a redonné vie au groupe dirigeant jusqu’à en faire une structure parallèle à la conférence économique centrale.

2.- Consolider le Parti, matrice de l’idéologie.

Li Zhanshu. 栗战书, l’éminence grise

Membre du Comité Central et du Bureau Politique (2012), chef du secrétariat du Comité Central, il est à la charnière du travail quotidien du Comité Central et d’une longue série de questions de fond allant de la politique étrangère, aux réformes légales en passant par l’économie et la sécurité. Dans ce dernier domaine de la sécurité Li supervise la composition de la Commission de la sécurité nationale.

Homme d’appareil plutôt que responsable de terrain – ses plus hautes fonctions de direction furent gouverneur du Heilongjiang (2008 – 2010) et chef du parti du Guizhou (2010- 2012) – Li est l’éminence grise de Xi Jinping qui l’accompagne dans tous ses voyages à l’étranger. Le 26 avril dernier, il s’était même rendu seul à Moscou, trois semaines après la frappe surprise des États-Unis contre le régime syrien en réaction à l’attaque chimique contre la ville de Khan Sheikhoun (80 km au nord d’Homs).

Les commentateurs se perdent en conjectures sur les raisons de la visite à Putin de l’homme de confiance du Président. Tout porte à croire qu’il s’agissait d’analyser les conséquences de la riposte américaine dans le traitement international de la question syrienne et, peut-être, de rassurer Moscou sur la solidité des liens entre la Chine et la Russie après la visite du n°1 chinois en Floride.

LI Shulei. 李书磊, n°2 à la Commission de discipline

Ces années furent entrecoupées de stages en Mongolie, au Hebei et au Shaanxi où il a brièvement été associé aux fonctions de n°2 du parti dans des municipalités de second rang.

En 2008, à 44 ans, il est nommé vice-président de l’Ecole du Parti, directement aux ordres de Xi Jinping alors vice-président de la République. 5 ans plus tard, on le retrouve à la tête de la propagande du Fujian. Après quoi, il s’affirme comme l’un des très proches conseillers de Xi Jinping. Il est actuellement le n°2 du parti à la Commmission Centrale de discipline.

Huang Kunming. 黄 坤 明, propagande

Originaire du Fujian, Huang y avait aussi rencontré Xi jinping quand ce dernier était à Xiamen puis à Fuzhou. En 2007, quand Xi Jinping terminait son mandat au Zhejiang, Huang fut nommé chef de la propagande de la province.

Depuis, ce bureaucrate loyal et appliqué, bénéficiaire des efforts du Parti pour améliorer la qualité des cadres, n’a cessé d’alerter le régime sur les risques posés par les « forces occidentales hostiles et leurs efforts pour occidentaliser la Chine et diviser les Chinois ».

Madame Cui Yuying. 崔玉英, propagande

Née au Shandong, elle a passé le début de sa carrière au Tibet où elle a fait ses études d’agriculture avant d’y devenir professeur. De 2006 à 2011, elle est directrice de la propagande au Tibet puis vice gouverneur. Mutée à Pékin en 2011 elle est promue n°2 du département de la propagande vers l’étranger, avant d’être nommée à la propagande du gouvernement, prélude à sa promotion au poste d’un des adjoints de la propagande du parti.

Ding Xuexiang. 丁 薛祥, adjoint à Li Zhanshu

Ding qui présidait la Commission des lois du parti à Shanghai fut appelé à Pékin en 2013 pour prendre le poste de n°2 du secrétariat du Comité Central aux côtés de Li Zhanshu. Notons que le couple Li Zhanshu – Ding Xuexiang apparaît comme un contrepoids politique à Liu Yunshan, n°5 du Comité Permanent, Président du Comité Central et de l’Ecole Centrale du parti.

Chen Xi. 陈 希, ressources humaines

De formation scientifique, Chen fut le n°2 du parti au Liaoning après avoir été vice-ministre de l’éducation (2008 – 2010). Plus tard, il fut en même temps vice-président de l’association des scientifiques de Chine et le secrétaire du groupe dirigeant pour les sciences et technologies (2011 – 2013).

En 2013, Xi Jinping soucieux d’améliorer la qualité des cadres du parti l’affecta au poste de directeur exécutif du puissant département d’organisation du parti ayant avec Zhao Leji la haute main sur les ressources humaines du régime. A ce poste il fut le principal maître d’œuvre des nouvelles règles de sélection des cadres plus articulées au mérite qu’à la cooptation.

Chen Yixin. 陈 一 新, approfondissement des réformes

Ancien chef du parti à Wenzhou, où il s’est forgé la réputation d’avoir aidé les commerçants de la ville et la municipalité à surmonter la plus grave crise financière subie par le région, marquée par des faillites en cascade, Chen a été nommé en décembre 2015 directeur adjoint du groupe dirigeant pour l’approfondissement des réformes dont l’importance pour Xi Jinping est cruciale 全面深化改革 小组。

A ce titre Chen Yixin est un des hommes clés du dispositif politique du secrétaire général en vue du 19e Congrès.

Jiang Zelin. 江 泽 林, adjoint au Vice-premier Wang Yang

Proche de Zhao Leji, le patron des resssources humaines du parti et membre du groupe dirigeant pour l’approfondissement des réformes, Jiang a été nommé en 2015 adjoint au chef de cabinet du gouvernement et n°2 de la direction des catastrophes naturelles, aux côtés du vice-premier ministre Wang Yang.


Yang Xiaodu. 杨 晓 渡 Commission de discipline.

Depuis décembre 2016, il cumule cette fonction avec celle, toute nouvelle, de ministre de la supervision au gouvernement, dont la mission de contrôle de la discipline et de l’éthique qui s’ajoute à celle d’éducation, recoupe celle de la Commission de discipline. Auparavant il avait été au Tibet dans divers postes de 1976 à 1998, pour y finir n°2 de la région autonome. En 2007, il avait travaillé sous les ordres de Xi Jinping à Shanghai quand il était membre du Comité Permanent de la ville.

Hao Peng. 郝 鹏, contrôle des actifs de l’État

Nommé en décembre 2016 chef du parti à la Commission de supervision des actifs de l’État (Sigle anglais SASAC), il est né au Shaanxi où il a étudié jusqu’à l’âge de 22 ans (1988) à l’Université polytechnique de Xian. Il a été en poste à Lanzhou où il était n°2 du parti et au Tibet avant de devenir gouverneur du Qinghai (2013 – 2016).

He Lifeng. 何 立 峰, réforme et développement

Vétéran du Fujian où il fut successivement chef du parti à Fuzhou (2001) et Xiamen (2005), He a été nommé en février 2017 président de la Commission de Réforme et Développement.

Zhong Shan. 钟 山, ministre du commerce

Il est resté 34 ans pour en devenir le vice-gouverneur de 2003 à 2008 avant d’être affecté à Pékin au ministère du commerce dont il a pris la tête en 2017.

Yang Zhenwu. 杨 振 武, Quotidien du Peuple

Directeur de la propagande à Shanghai de 2009 à 2013, il est aussi un ancien de la période Zhengding au Hebei quand Xi Jinping y était Commissaire Politique de la Police Armée Populaire et secrétaire du comité du parti de
la ville.

Fang Xinghai. 方 星 海, régulation boursière

Ancien de la Banque Mondiale Fang fut de 2001 à 2015 le n°2 à la bourse de Shanghai où il connut Xi Jinping quand ce dernier fut brièvement n°1 de la municipalité en 2007. Depuis novembre 2015 il est le vice-président de la Commission de régulation boursière à Pékin et l’un des membres éminents avec Liu He du groupe dirigeant pour les finances.

3.- La sécurité sans laquelle rien n’est possible.

A côté de Cai Qi 菜奇 récemment promu à la tête de la municipalité de Pékin et dont le rôle dans la montée en puissance de la Commission Nationale de sécurité créée en 2014 fut crucial, on note les personnalités suivantes, dont, sans surprise, la liberté de pensée est bridée par la fidèlité au chef. Celle-ci étant encore renforcée par des expériences de terrain communnes avec le président.

Fu Zhenghua. 傅 政华, vice-ministre de la sécurité

Ancien n°2 de la Commission législative et de sécurité de Pékin, Fu était aussi le patron de la sécurité de Pékin de 2010 à 2013 quand il fut nommé vice-ministre de la sécurité en dépit de sa faible ancienneté dans le ministère, dépassant nombre de cadres plus anciens dont certains furent mutés.

En prenant la direction de la sécurité de la capitale il s’était distingué en fermant nombre de boîtes de nuit engagées dans le commerce parallèle du sexe et en multipliant les patrouilles en ville. Bien que n’ayant pas travaillé directement sous les ordres du président, ce dernier le remarqua pour sa participation active à la chute de Zhou Yongkang en 2013.

Meng Qingfeng. 孟庆丰, vice-ministre de la sécurité

Peu après sa prise de fonction et suite aux secousses boursières de l’été 2015, recherchant des boucs émissaires, il s’était distingué en prenant la tête d’une enquête visant les délits d’initiés qui prit en écharpe la Commission de régulation boursière (C.R.B) pour tenter de prouve la manipulation du marché.

Il fut à l’origine de la démission forcée, en février 2016, de Xiao Gang, président de la C.R.B après une nouvelle secousse des bourses en janvier 2016. Meng est le type même de fonctionnaire dont la liberté de pensée est bridée par l’exigence absolue de loyauté.

Lire Chute d’un bouc émissaire. Xiao Gang patron de la Commision de régulation boursière est relevé de ses fonctions.

Wang Xiaohong. 王小洪, chef de la police de Pékin

Bousculant le plan de mutation des cadres, le président l’a fait venir à la capitale alors qu’il venait d’être affecté au poste de vice-gouverneur du Henan à peine trois mois avant.

Général Wang Ning. 王 宁, commandant la P.A.P


Xu Lin. 徐 麟, cybersécurité

Après 3 ans au Tibet à la tête de la commune de Shigatse (1995 – 1997), puis 6 annés au sein du groupe agricole Non Gong (农工商集团) entre 1997 et 2003 dont il devint le chef du parti et le PDG, il fut muté à la direction des affaires civiles de Shanghai où il prit en 2008 la direction du parti du quartier en plein développement de Pudong. 5 ans plus tard il devint le directeur du bureau de la propagande de Shanghai. C’est à ce titre qu’en 2015 Xi Jinping l’appela à Pékin pour le placer à la tête du Groupe Dirigeant pour la cybersécurité et le contrôle d’internet.

*

Forcément incomplète la revue ci-dessus donne cependant une idée de la méthode de ralliement de ses appuis par Xi Jinping en amont du Congrès. La stratégie du tryptique - recrutement des talents, consolidation de la base et promotion rapide des plus loyaux - se retrouve natuellement dans l’APL dont question chine avait déjà donné un exemple en juillet 2016 (lire La grande remise à niveau opérationnelle des armées.).

La méthode est également appliquée dans les provinces où, là aussi, surgissent des fidèles, au milieu des efforts du président pour consolider la base, étoffer ses appuis au sein du Comité Central et enrôler de jeunes talents, même quand ils appartiennent à d’autres coteries.

Cette manœuvre des ressources humaines est conduite par un autre fidèle du président, Zhao Leji 趙 乐 际, membre du Bureau Politique et président de la Commission d’organisation du Parti. Ayant, comme Xi Jinping, des racines familiales au pays des « terres jaunes » du Shaanxi, Zhao est, pour le n°1 du Parti, un atout de poids pour l’affirmation de son pouvoir.

Note(s) :

[1Taïwan, Affaires étrangères, approfondissement des réformes, Sécurité Internet, Défense nationale et réformes de l’APL, finances et affaires économiques.


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