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›› Editorial

Xi Jinping adresse une mise en garde belliqueuse à Washington

L’année 2020 sera peut-être un tournant significatif dans l’histoire des relations entre la Chine et les États-Unis, rétablies en 1979 par Jimmy Carter et Deng Xiaoping, après trente années d’ostracisme de Washington contre le régime communiste.

En dépit des rivalités stratégiques et des contrastes idéologiques, la détente initiée il y a près d’un demi-siècle en février 1972 par Richard Nixon qui, conseillé par Henry Kissinger, rendit visite à Mao déjà malade, s’était perpétuée tant bien que mal.

L’arrière-plan de ce modus-vivendi de la guerre froide ciblant l’URSS, était un malentendu entretenu par les ambiguïtés politiques chinoises et l’assurance occidentale et américaine que le rapprochement avec la Chine placerait le vieil Empire sur une trajectoire d’ouverture politique.

Il n’en a rien été.

Aujourd’hui, non seulement Pékin tourne clairement le dos à l’Occident et à son système politique, mais encore Xi Jinping et la Direction politique du pays le défient plus ouvertement que jamais. L’arrière-plan étonnamment belliciste est le souvenir de la guerre de Corée dont le n°1 chinois fait le symbole historique de la résistance chinoise à l’Amérique.

Le 23 octobre, au Grand Palais du Peuple, commémorant l’entrée en guerre en Corée du Nord des « volontaires chinois » sous les ordres du Général Peng Dehuai [1], le Président chinois a, pour la première fois depuis 1972, exprimé sur un ton martial sans équivoque la capacité de la Chine à résister militairement à l’Amérique.

« Il y a soixante-dix ans, les impérialistes ont allumé le brasier de la guerre à nos portes (…) « Nous Chinois savons comment parler aux envahisseurs. A la guerre nous répondons par la guerre et usons de la puissance militaire pour faire cesser les hostilités, remporter la victoire, gagner la paix et le respect ». (…)

« Ensemble, les Chinois et les Nord-Coréens ont brisé le mythe de l’Amérique invincible. - 打破美军不败神话 » (…) « Face au danger, nous ne tremblons pas (nos jambes ne tremblent pas) et ne courbons pas l’échine 面对困难或危险, 我们的腿不会颤抖, 我们的后背不会弯曲. »

Comme le relève Gerry Shih, correspondant du Washington Post à Pékin, le discours de Xi Jinping fut le point culminant d’une avalanche de publications et d’émissions dont l’essentiel ne fut pas tellement la guerre de Corée, mais plus largement la détermination chinoise, vieille d’un siècle de résister aux invasions étrangères et de réaliser le destin de la Chine à l’aune de sa culture, épine dorsale de la pensée de Xi Jinping depuis son avènement en 2012.

Mais alors qu’il remettait à l’honneur la solidarité communiste avec Pyongyang, le Président passait sous silence deux réalités.

D’abord que Mao, inquiet de l’avancée des troupes américaines à sa frontière nord, s’était porté au secours d’une agression de la Corée du nord contre le sud ; ensuite que les trois millions de « volontaires chinois » avaient été certes engagés contre les États-Unis, mais il oubliait de préciser que Washington était à la tête d’une coalition de seize pays dont la France [2], contre la Corée du Nord et l’URSS.

Ripostant à l’agression d’un autocrate et placés sous la bannière des Nations Unies, dont à l’époque il est vrai Pékin n’était pas membre, tous les seize se réclamaient d’une caution onusienne. Aujourd’hui, le contraste est total. l’ONU dont la Chine était absente en 1950, constitue la puissante référence de Pékin pour les relations internationales où sa voix est soutenue par Moscou et nombre de ses appuis des pays en développement, notamment en Afrique.

En soixante-dix ans les lignes ont bougé. Les autocrates de la guerre de Corée se parent du statut de victimes, tandis que, près d’un demi-siècle après la rencontre entre Mao et Nixon, Xi Jinping vient de faire voler en éclat la realpolitik de Kissinger spéculant sur la nécessaire complémentarité du duopole sino-américain.

Qui plus est la volte-face chinoise évoque la possibilité d’un conflit militaire.

Même si les observateurs lucides savent que le raidissement martial de Pékin est le collatéral d’un nationalisme à usage interne, le fait est là.

Entre Pékin et Washington l’ambiance n’est plus aux compromis et aux accommodements réalistes voulus par Kissinger. Elle est, au moins en apparence, soudain assombrie par le risque d’un dérapage militaire.

Note(s) :

[1L’armée chinoise a franchi le Yalu le 19 octobre 1950, le jour même de la capture de Pyongyang par les forces des NU commandées par les États-Unis. La première vague chinoise comptait 270 000 hommes.

Dépourvue d’aviation et d’armes lourdes, elle comptait à la fois sur le déferlement de la masse de ses combattants et sur les tactiques de guérilla menées contre les arrières qui lui avaient permis de triompher des troupes de Tchang Kai-chek pendant la guerre civile. Séoul fut évacué par les Américains, le 3 janvier 1951. En avril 1951 l’offensive de printemps de l’APL aligna 700 000 hommes.

Au prix de pertes importantes, causées par les contre-attaques américaines dont la destruction de la 180e division de l’APL, les « volontaires chinois » forcèrent les NU à abandonner le terrain conquis. L’armistice qui dure toujours, fut conclu le 27 juillet 1953, gelant les troupes de part et d’autre du 38e parallèle, alors que le président Eisenhower laissait flotter l’idée d’une frappe nucléaire contre la Chine.

Au total trois millions de Chinois, civils et militaires ont été engagés en Corée du Nord. Au musée de la guerre à Pékin, le chiffre officiels des tués chinois est de 110 000. Mais, selon l’encyclopédie Britannica, il serait plutôt 600 000.

[2Selon l’ordre de l’importance des contingents engagés : États-Unis, Grande Bretagne, Canada, Turquie, Australie, Philippines, Nouvelle-Zélande, Thaïlande, Éthiopie, Grèce, France, Colombie, Belgique, Afrique du sud, Pays-Bas, Luxembourg.


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