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Taïwan enjeu stratégique de la rivalité sino-américaine et défi politique pour Pékin

Affaiblissement du KMT.

Un des plus sérieux indices de l’affaiblissement historique du vieux parti nationaliste partisan de la réunification fut l’éclatement du paysage politique marqué par le surgissement de nouveaux partis au fil des législatives [2].

D’abord, le Qinmindang 親民黨 parti dit du « Peuple d’abord » fondé en 2000, centre droit, favorable à la réunification, proche du KMT (3,66% des voix en 2020, aucun élu.). Il fut suivi par le TSU (Union pour la solidarité taïwanaise 台灣團結聯盟, fondé en août 2001 dont s’était rapproché Lee Tenghui.

Prônant une ligne politique radicalement en faveur de la rupture avec Pékin, son audience s’est effondrée au profit de nouvelles formations également en faveur de l’indépendance, le parti du Nouveau Pouvoir, centre gauche, né en 2015 dans la foulée du mouvement des Tournesols en 2014 (lire : Taïwan : Craquements politiques dans l’accord cadre. Les stratégies chinoises en question) (7,75% des voix en 2020, 3 députés).

En 2016, est né le Parti pour la construction de l’État de Taïwan 台灣基進, allié au DPP, lui aussi favorable à la rupture avec le Continent. Enfin, en 2019 a surgi le Parti Populaire Taïwanais (TPP 台灣民眾黨 - Taiwan minzhong dang-) du Maire de Taipei Ko Wen-je qui se dit centriste et rassembleur - 11,22% des voix aux législatives de 2020 et 5 députés -.

Un demi-siècle après 1947, - mais la mémoire des massacres est longue -, l’usure du KMT s’est manifestée en 2000, par l’élection à la tête de l’État de Chen Shui-bian, premier président indépendantiste. Aujourd’hui, le paysage politique, toujours dominé, par deux partis, est plus dispersé.

Les législatives de 2020 ont cependant confirmé la prévalence du Parti Démocrate Progressiste de Tsai Ing-wen avec 61 sièges (dont 48 dans les circonscriptions uninominales et 13 sur les listes proportionnelles, en recul de sept sièges par rapport à 2016), devant le KMT, 38 sièges (+ 3 sièges depuis 2016, dont 25 dans les circonscriptions uninominales et 13 à la proportionnelle de liste.)

Les autres sièges étant dispersés entre le Parti Populaire (5 sièges), le Parti du Nouveau Pouvoir, (3 sièges, en recul de 2 sièges), 1 siège conquis par le Parti pour la construction de l’État de Taïwan 台灣基進 et les 5 sièges occupés par les « Indépendants » qui ne se réclament d’aucun parti (+4 sièges).

Vue à partir de la relation avec le Continent la situation fait clairement apparaître la prévalence de la mouvance de rupture dite « localiste » rassemblée au sein de l’alliance des verts (DPP, Parti de la construction de l’État, TSU, Nouveau Parti de pouvoir) qui, au total, compte 70 sièges.

Quant au scrutin présidentiel du 11 janvier 2020, il avait été remporté haut la main par Tsai avec 56,1% contre 31% à son concurrent du KMT, Han Kuo-yu. La victoire fut d’autant plus significative qu’elle avait été obtenue avec une participation record de 74,9% des électeurs inscrits.

La tendance observée dans les urnes se confirme dans les sondages. Même au risque d’une attaque militaire chinoise 48,73% des Taïwanais souhaiteraient que l’Île déclare l’indépendance.

Le pourcentage monte à 68% si les sondés avaient la garantie que l’indépendance serait sans risque d’une attaque militaire. Seulement 29% des Taïwanais se disent favorables à une unification, à la condition toutefois, très théorique pour l’instant, que les systèmes politiques soient identiques.

Depuis la fin des années 80, le mouvement vers la liberté sous l’œil autocrate du Continent n’a cessé de prendre de l’ampleur malgré la menace militaire chinoise.

Plus encore, après la fin de ses mandats, le président Lee Teng-hui, récemment décédé, qui fut pourtant une des figures emblématiques du parti de Tchang Kai-chek, bascula dans la mouvance indépendantiste. (cf. supra). Lire : Le « père de la démocratie taïwanaise » est mort.

Aujourd’hui, quand on interroge les Taïwanais sur leur sentiment national on constate que 66% se voient d’abord comme Taïwanais, 28% à la fois Chinois et Taïwanais, tandis que seulement 4% se considèrent comme uniquement Chinois.

Conclusion, il devient de plus en plus difficile pour les responsables du Continent de perpétuer le discours d’un large soutien populaire des Taïwanais à la réunification.

Rapprochement avec Washington.

Ajoutant des braises incandescentes sur les foyers que Pékin surveille en multipliant les démonstrations de forces dans le Détroit (Voir la Note de contexte), Tsai Ing-wen s’aventure aux limites des trois communiqués fondant la relation entre Pékin, Washington et Taipei.

Signés en 1972 (Nixon et Zhou Enlai), 1979 (Carter et Deng Xiaoping) et 1982, (Reagan et Deng Xiaoping), ils s’accordaient sur : 1) La fin des relations officielles entre Taipei et Washington, 2) La reconnaissance, de part et d’autre du Détroit, « d’Une seule chine » et 3) Sur l’existence « d’Un seul gouvernement de la Chine »,

Le 15 avril, la Présidente recevait à Taipei une délégation non-officielle américaine, composée de l’ancien sénateur Chris Dod et de deux anciens sous-secrétaires d’État à la retraite, dont Richard Armitage ancien militaire, familier de l’Île et James Steinberg, universitaire spécialiste du Moyen Orient, dont le Département d’État dit qu’ils sont tous les trois des amis de Taïwan.

Selon les informations communiquées par les services de presse, après avoir, au cours de la rencontre qui fut diffusée en direct sur Facebook, stigmatisé les pressions diplomatiques et militaires chinoises, Tsai a espéré que les liens entre Taipei et Washington continueront à se resserrer, comme avec tous les pays soucieux de préserver la paix dans la zone IndoPacifique.

Ce rapprochement avec l’Île sur les traces de Donald Trump, est cependant enveloppé du discours convenu de l’apaisement à destination de Pékin.

Alors que ses interlocuteurs exprimèrent l’intention de l’administration Biden de respecter la « politique d’une seule Chine », Tsai réitéra la promesse de ses mandats de préserver le statu-quo (c’est à dire de ne pas déclarer l’indépendance).

Les actuelles démonstrations de force et harcèlements de l’Île alors que la présidente refuse toujours de reconnaître le « consensus d’une seule Chine » de 1992, montrent à l’évidence que Pékin, éclairé par l’état de l’opinion taïwanaise, n’y croit pas.

Note(s) :

[2Le mode de scrutin pour un siège au Yuan Législatif est à un tour et mixte, avec 73 députés élus directement dans des circonscriptions uninominales et 34 élus à la proportionnelle sur des listes de partis, 6 sièges étant réservés pour les candidats des communautés autochtones.


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