›› Editorial
Yu Jie - 37 ans -, activiste des droits de l’homme, chantre de la liberté d’expression, ne croit pas à la compassion de Wen Jiabao pour les souffrances du peuple chinois. Dans un livre au titre éloquent - « Wen Jiabao, le meilleur comédien chinois » - en vente à Hong Kong, mais interdit en Chine, il s’applique à déconstruire son image de grand-père compatissant - « Wen Yeye » -, la main sur le cœur, consolant les blessés et les familles des victimes, photographié en première page des journaux, le casque sur la tête et les enfants dans les bras.
« L’objectif de Hu Jintao et Wen Jiabao est le même. Tous deux cherchent à consolider leur base politique. Ils ont plus de points communs que de différences. C’est la raison pour laquelle je conteste les analyses irréalistes des observateurs étrangers qui définissent Wen Jiabao comme un réformateur ouvert ».
Il est vrai que les faits et les dires du Premier Ministre, n°3 d’un régime de facture léniniste, intrigue les « China Watchers ». Plus encore, son histoire personnelle, proche de Zhao Ziyang, ses fréquentes allusions à l’impérieuse nécessité des réformes politiques l’ont propulsé en tête du hit parade de ceux qui pourraient militer pour une évolution démocratique du régime.
On peut toujours gloser, mais pour l’heure il est difficile de savoir si le sourire un peu pincé et vaguement triste de Wen cache un machiavélisme ou une réelle volonté de réforme politique. Surtout, même les plus informés ignorent quels leviers il pourrait actionner s’il voulait réellement bousculer le système. En attendant, il agit et parle d’une manière qui n’est pas anodine. Souvent, ses interventions recoupent les appels les plus insistants et les plus intransigeants pour une réforme politique.
Lors de la session annuelle de l’ANP, en mars, il avait fait la une des journaux pour avoir, dans un forum internet, insisté sur l’exigence de « respecter de la dignité des citoyens chinois », tout en soulignant l’urgence de réformer le système du Hukou. A la conférence de presse de clôture, sa mise garde au Parti rappelait les risques politiques graves que la corruption et l’aggravation des inégalités faisaient courir au Régime.