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›› Editorial

Le navire tangue. Le régime se crispe

Le 19 février, le Parti a pris la décision d’expulser 3 journalistes du Wall Street Journal travaillant en Chine. Ils avaient 5 jours pour quitter le territoire. Il s’agit de deux reporters, Philip Wen, de nationalité australienne, ancien de Reuters et Chao Deng, sino-américaine, et du n°2 du journal en Chine, Josh Chin également américain.

Geng Shuang, porte-parole du Waijiaobu, commentait sèchement la décision : « Le peuple chinois considère que les médias exprimant des opinions racistes, insultant agressivement la Chine ne sont pas les bienvenus ».

L’expulsion suivait immédiatement une déclaration de la Maison Blanche désignant les médias chinois Xinhua, CGTN, Radio Chine International, China Daily et le Quotidien du Peuple comme des organes de propagande de Pékin dont les personnels - fonctionnaires chinois plus que journalistes - devaient se soumettre aux mêmes obligations de réserve que les diplomates en poste aux États-Unis.

Il y a quelques mois, Pékin, sans fournir de raison, n’avait déjà pas renouvelé le visa de Chun Han Wong, un autre journaliste du WSJ. Chun avait co-écrit un article sur un cousin de Xi Jinping lié au crime organisé, impliqué dans un scandale portant sur le blanchiment d’argent et la corruption des services d’immigration. L’autre auteur de l’article était Philip Wen. Épargné une première fois, il est cette fois pris dans une charrette de représailles.

Les deux autres exclus avaient également à leur actif des articles critiques de la Chine. Le 7 février, Chao Deng, avait décrit l’encombrement des hôpitaux à court d’équipements et les tensions au milieu des foules de patients attendant des soins.

Josh Chin, est l’un des co-auteurs d’un article paru le 15 août dernier décrivant comment les ingénieurs de Huawei avaient au moins à deux occasions, aidé des gouvernements africains à traquer les communications cryptées de leur opposition politique.

Enfin, tous les trois avaient signé des articles sur la situation des Ouïghour au Xinjiang, objet d’une controverse de dimension planétaire qui divise l’opinion mondiale et agace beaucoup le Parti. Lire : Controverses globales autour du traitement des Ouïghour. Pékin rallie un soutien hétéroclite et brouille la solidarité des musulmans.

Le malheureux rappel d’un passé d’humiliations.

Mais la vraie raison - très sensible en Chine en cette période de remise en question de l’appareil sur les réseaux sociaux -, ayant initié la dernière riposte brutale de Pékin expulsant 3 journalistes d’un coup - une première depuis l’après Mao -, remonte à un article de libre opinion du WSJ.

Publiée le 3 février et signée de Walter Russell Mead (68 ans) universitaire américain, professeur de relations internationales et rédacteur en chef du magazine « The American Interest », l’analyse plongeait un tison incandescent dans plusieurs plaies toujours à vif de l’oligarchie chinoise.

D’abord celle des humiliations infligées au 19e siècle à la Chine impériale par les « huit puissances », fréquemment rappelées et mises en scène par le n°1 chinois. Ensuite, celle des inquiétudes latentes du régime où les tensions avec la société provoquées par la gouvernance autocratique croisent les affres de l’exigence d’efficacité de l’appareil, principale source de sa légitimité, en l’absence de vote démocratique.

Le titre même de l’article « L’homme malade de l’Asie » renvoyait aux faiblesses de la Chine à la fin des années 1800, lorsqu’elle était déchirée par ses divisions internes, asservie, occupée, et pillée par les pays occidentaux et le Japon.

Les proches du WSJ racontent dans le New-York Times qu’avant d’être adopté en conférence de rédaction, le titre avait donné lieu à des controverses internes. La plupart des journalistes avaient souligné son agressivité inutile et désobligeante.

Mais tous disent n’avoir eu aucune influence sur l’indépendance éditoriale du quotidien. Quant aux équipes de terrain, elles furent outrées, sachant qu’elles seraient les premières cibles d’une riposte. Ce qui n’a pas manqué.


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