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›› Editorial

Le 6e Plenum, remise en ordre éthique du Parti et adoubement de Xi Jinping

Conférence de presse de clôture du 6e plenum, le 28 octobre dernier. De droite à gauche : Qi Yu, n°2 du département de l’organisation (gestion et promotion des cadres) ; Huang Kunming, premier adjoint du département de la propagande du Comité Central ; Wu Yuliang , vice-président de la Commission Centrale de discipline du Parti chargé de la lutte anti-corruption, Jiang Jianguo, vice-ministre en charge de la propagande au Conseil des Affaires d’État. Le plenum a consolidé la position de Xi Jinping par une motion lui attribuant le titre de « dirigeant central » de la 5e génération et réaffirmé l’importance de la lutte contre la corruption dans le Parti.

*

Il y a deux semaines le Parti a réuni la 6e session plénière du Comité Central, parlement interne au Parti composé de 370 membres. Avant-dernière réunion du Comité Central en amont du 19e Congrès, tenue comme toujours dans le plus grand secret à l’hôtel Jingxi à l’ouest de la capitale, le plenum fut, comme les éditions précédentes de la 6e session, dédié au renforcement du Parti. Au milieu d’autres débats sur les mises à la retraite évoqués par les commentaires, cette fois le cœur de la réunion a porté sur le resserrement de la discipline et l’éthique.

Mécaniquement, l’étanchéité du secret dans lequel s’est tenue la réunion a entrainé une floraison de rumeurs. Parmi lesquelles, la plus insistante, reprise par nombre de journaux occidentaux, est l’hypothèse d’une grave dissension au sommet entre le Président et son premier ministre, attelage mis en place à la tête du Politburo lors du 18e Congrès en novembre 2012. La thèse est accréditée par les agacements récurrents ayant percé la surface policée de la machine politique, provoqués par les ingérences fréquentes des hommes du président dans l’action quotidienne du Conseil des Affaires d’État.

Pour autant, alors que couraient les hypothèses les plus étonnantes comme celle d’une relève en novembre 2017, lors d’un 19e Congrès, du premier ministre qui resterait n°2 du régime, mais serait écarté des affaires et placé à la tête de l’assemblée nationale populaire où il remplacerait Zhang Dejiang, aucun fait politique tangible n’est venu conforter ce qui serait, s’il était avéré, le symptôme du craquement le plus grave de la scène politique chinoise depuis la destitution de Hu Yaobang en 1987 suivie de celle de Zhao Ziyang deux ans plus tard, coïncidant avec la répression de Tian An Men.

Au passage, le limogeage déguisé de Li Keqiang serait aussi le signe du retour en force du culte de la personnalité que le Parti, échaudé par les dérapages maoïstes du grand bond en avant et de la révolution culturelle s’applique pourtant, depuis Deng Xiaoping, à tenir soigneusement à distance.

Dans ce bourdonnement de rumeurs sur le régime que peut-on retenir objectivement ?

L’hypothèse d’un cafouillage au sommet, du moins à ce niveau de grave fracture politique n’est pas vérifiée. En revanche, il est exact que Xi Jinping et ses conseillers ont resserré la pratique du pouvoir autour de la personne du n°1. Cette réalité s’est exprimée par l’adoption lors du plenum d’une motion faisant de l’actuel n°1, comme ce fut le cas de Mao, Deng Xiaoping et Jiang Zemin, mais à laquelle Hu Jintao n’avait pas eu droit, le « Cœur (核心 hexin) de la 5e génération de militants du Parti [1].

Il reste que les principales controverses directement liées au souci majeur de renforcement du Parti qui, lors du plenum, percèrent la surface cadenassée de la scène politique chinoise ont concerné la lutte contre la corruption. A la fois considérée comme un nettoyage éthique urgent, condition de la survie du Parti et par certains caciques comme porteur de risques d’immobilisme et de fractures au sein de la machine politique sévèrement secouée depuis 2013, la bataille contre les prévaricateurs, ses arrière-pensées, sa méthode et ses effets pervers furent clairement l’essentiel des débats du 6e plenum.

Le remue-ménage qu’elle a entrainée fut perceptible de l’extérieur au travers de deux événements : 1) La publication, le 21 octobre, trois jours avant le plenum par le magazine du Parti Qiu Shi 求是 (Quête de vérité) édité par l’École Centrale du Parti d’un éditorial qui, effleurant le cœur des controverses autour de la campagne de redressement éthique, soulevait la question des effets de la campagne anti-corruption sur l’efficacité de la bureaucratie ; 2) la diffusion, immédiatement en amont du plenum d’une série télévisée d’un genre nouveau en noir et blanc intitulée « 永远 在 路上 - toujours sur la route - », présentant aux chinois les contritions publiques d’officiels convaincus de corruption et souvent très lourdement condamnés.

*

Les interrogations de l’École Centrale du Parti.

Les doutes exprimés en amont du plenum par l’École Centrale du Parti qui mettait en garde contre la paralysie bien réelle de la machine bureaucratique gravement secouée par la tourmente de la lutte contre la corruption traduisaient aussi une crispation du sérail et une critique de la méthode Xi Jinping.

Après avoir pris acte de l’ampleur de la correction éthique en cours - « Il est vrai que la campagne anti-corruption a remis dans le droit chemin des centaines de milliers de membres du Parti et fait la lumière sur l’ampleur et la gravité de la corruption du pouvoir » - l’article ajoutait cependant que « les mises à jour ont sérieusement affaibli les fondations du Parti et handicapé sa capacité à gouverner le pays ».

La critique renvoie aux grands défis de la présidence Xi Jinping qui ambitionne de renforcer le Parti en le débarrassant de ses très graves travers d’immoralités affichées sans vergogne par les grands parvenus incrustés dans le système. Le but : mettre la machine bureaucratique en meilleure position pour réformer le pays et le propulser vers la modernité et la puissance, deux des ingrédients du « rêve chinois ».

Sur ce chemin, le n°1 chinois rencontre des obstacles dont les plus importants et les plus dangereux se réclament de l’intérêt du pays et du parti pour, en réalité, protéger leurs avantages acquis gravement menacés par les réformes du système financier et de l’appareil industriel.

L’autre écueil non évoqué par l’École Centrale se nourrit non seulement du risque d’une dérive de la lutte anti-corruption vers une guerre des clans provoquant une fracture au sein du Parti, mais également du fait que c’est le fonctionnement même de la machine politique chinoise qui nourrit la corruption.

Structurée autour de lobbies, de parrainages, de cooptations, de discours convenus et faussement consensuels - travers qui au passage plombent également les systèmes démocratiques occidentaux –, la machine du Parti conditionne les promotions et les affectations à la tyrannie des compétitions d’influence qui, l’ambition aidant, dérivent facilement vers la corruption.

Cette difficulté avait déjà été évoquée par Wang Qishan lui-même qui, il y a déjà quelques années, exprimait l’idée que la répression contre les corrompus dont il avait la charge, ne faisait que traiter les symptômes du mal.

En 2014, Qiao Cuixia, directrice adjointe de l’Institut d’économie de l’Université Normale du Shandong également membre de l’Académie des Sciences Sociales de la province et ancienne de l’École du parti du Shandong, avait, avec un de ses collègues, effectué un intéressant travail sur le thème de la corruption consubstantielle du fonctionnement même du Parti. Lire notre article Guerre contre la corruption : le Parti s’interroge sur lui-même

Pour contourner ces pièges et les critiques, Xi Jinping a retrouvé des réflexes proto-maoïstes, appelant le peuple et l’opinion publique à la rescousse, par la diffusion sur la chaîne nationale immédiatement avant le plenum, d’un feuilleton mettant en scène la contrition publique des membres corrompus du Parti.

Note(s) :

[1La main mise politique de Xi Jinping sur la majeure partie des leviers de pouvoir n’est pas sans effets pervers. Tous les observateurs s’accordent en effet à dire que les cafouillages de la bourse en 2015 et 2016 furent en partie aggravés par les manœuvres erratiques de la tête du régime.

Dans ce concert, certains discours de l’entourage du n°1, notamment ceux de Liu Yunshan, secrétaire du Bureau Politique et responsable de la propagande jusqu’en 2012 ont renforcé les symptômes de délits d’initiés à l’origine des pertes abyssales enregistrées par des porteurs peu expérimentés et persuadés que le politburo et son « rêve chinois » exprimé par Xi Jinping garantiraient la rentabilité de leurs investissements, y compris, les moins prudents.

Vu de l’extérieur, ces couacs autour de la bourse à quoi s’ajoutèrent ceux liés à la dévaluation du Yuan, donnèrent l’impression que la machine financière avait plusieurs pilotes.


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