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›› Editorial

Chine – Etats-Unis : les difficultés d’un apaisement. La page des grands compromis stratégiques se tourne

Alors que la guerre des taxes sino-américaine approche les 300 jours et que le pessimisme gagne les Chinois inquiets de la chute de 25% de la bourse en un an et du ralentissement des marchés de l’immobilier et de l’automobile (premier freinage sensible depuis 20 ans qui touche aussi l’industrie allemande), une délégation américaine conduite par Robert Lightizer et Steve Mnuchin est venue à Pékin, le 28 mars.

La rencontre dont les compte-rendus n’espéraient pas une solution à court terme fut cependant suivie le 4 avril d’un nouveau voyage (le 2e en 3 mois) à Washington de Liu He qui y a rencontré D. Trump. En dehors des scepticismes et des commentaires sur « certains points essentiels encore à résoudre » de Lightizer ou ceux sur « la longueur de temps » nécessaire aux compromis de Larry Kudlow, une impression plus positive émerge des dernières séquences.

La guerre s’achemine vers un apaisement avec en arrière-pensée la volonté partagée par Trump et Xi Jinping de créer un environnement favorable à une rencontre au sommet qui scellerait la détente. Avec cependant une subtile différence entre les deux recelant un abime de méfiance et de divergences liées à la conscience que la relation est désormais articulée à une rivalité globale qu’aucun accord n’effacera.

Accalmie et divergences de vues.

Selon la Maison Blanche qui raisonne à l’aune d’un court terme tactique, un accord commercial ne serait que la condition nécessaire à l’organisation du sommet.

Pour Liu He en revanche, qui relayait un message du président chinois, (source Xinhua), l’urgence d’un accord et d’un sommet dont, au passage il faut noter que le n°1 chinois tirerait profit en politique intérieure où on lui reproche d’avoir inutilement exacerbé les tensions, exprimerait l’exigence stratégique d’une relation sino-américaine redevenue « saine et stable » base du « respect mutuel » et de « l’équilibre des relations au bénéfice des deux ».

Pour faire bonne mesure et renforcer encore l’aspect positif de la séquence, toujours selon Xinhua, Xi Jinping aurait fait dire à Liu que « sous son leadership et celui de Trump, la relation sino-américaine ferait de nouveaux et de plus grands progrès »

Le moins qu’on puisse dire est que le Président américain qui, un moment, avait exprimé, par conviction ou par manœuvre, l’hypothèse d’une très improbable rupture totale, façon guerre froide, entre les deux, n’est pas habité par le même souci de l’urgence ni par l’idée héritée de Kissinger que les relations sino-américaines sont devenues, par leur ampleur et leur densité, un élément incontournable de la situation stratégique de la planète.

En tous cas, même si, évoquant sa relation personnelle avec le président chinois, il lui arrive de forcer sur l’hyperbole sentimentale, on perçoit dans l’attitude de Trump la volonté de se ménager un espace de manœuvre. En arrière-pensée, la conscience partagée par toute la classe politique américaine que les différends entre les deux, dilatés en une rivalité globale, ne se limitent pas au commerce bilatéral.

Vers un sommet Xi - Trump ?

Initialement souhaité fin mars par Trump dans sa propriété de Floride, contre l’avis de Xi Jinping qui proposait Hainan, le sommet, aux dernières nouvelles planifié fin avril, avait été retardé par les conseillers de la Maison Blanche.

Pour les plus circonspects et les plus zélés d’entre eux, la question, entre autres, de la propriété intellectuelle et surtout celle des mesures de suivi après les promesses chinoises n’avaient pas été réglées.

Commencées le 4 avril à la Maison Blanche avec Trump et Liu He, les négociations sur ces différends devaient se poursuivre le 5 et « au-delà » disent les sources américaines, entre Lightizer et Mnuchin pour Washington, et pour les Chinois, Yi Gang, gouverneur de la banque de Chine qui fut professeur assistant à Indianapolis de 1992 à 1994 et Ning Jizhe, actuel président de la Commission Nationale pour la réforme et développement, qui fut un des successeurs de Liu He à la tête du Centre de recherche du Conseil des Affaires d’État.

*

Pour autant si en dépit des méfiances réciproques s’exprimant ici et là, on écoute les deux principaux protagonistes, on voit bien que la guerre commerciale est à un tournant. « Nous sommes proches d’un accord » dit D. Trump qui, dans son langage hyperbolique, ajoute que « quelque chose de “monumental“ pourrait être annoncé dans les 4 semaines à venir ».

Il est vrai que Trump, sentant peut-être encore la pression de ses négociateurs, laissait en même temps flotter une incertitude sur les délais « peut-être moins, peut-être plus ». Mais l’optimisme de la Maison Blanche était conforté par l’attitude plus ouverte de l’appareil chinois pour qui un accord conforterait en interne la position de Xi Jinping.

Le 28 mars, au forum annuel de Boao à Hainan, Li Keqiang annonçait des mesures favorables aux investisseurs étrangers et un meilleur accès des banques et des sociétés de courtages étrangères au marché financier. Le même jour, il annonçait aussi le lancement de tests ouvrant un accès plus facile des sociétés numériques non chinoises au marché du « cloud computing ».

Quant à Liu He, il affirme que, même si des points durs non résolus subsistent, les consultations avaient permis un consensus sur la rédaction d’un accord commercial bilatéral. Le 5 avril, le Global Times qui reprenait l’essentiel des points développés plus haut, notamment que les négociations devaient encore se poursuivre, commençait un article en anticipant « qu’un accord mettrait bientôt fin à l’impasse qui dure depuis près d’une année ».

Il ajoutait, citant une source à la Maison Blanche, que l’attention se portait maintenant sur les mesures permettant de vérifier que les promesses seraient tenues.

Les principales informations ayant jusqu’à présent transpiré des rencontres bilatérales font état d’un délai de 6 ans (jusqu’à 2025) accordé par Washington pour que la partie chinoise tienne sa promesse d’augmenter ses importations sur le marché américain et pour que les entreprises américaines soient, sous peine de représailles, autorisées à s’implanter sur le marché chinois sans passer par l’obligation d’une coentreprise.

D’autres accords non contraignants seraient en cours de négociation pour l’échéance plus lointaine de 2029, tandis que Peter Navarro, conseiller commercial de la Maison Blanche appartenant à la faction intransigeante, soulignait que les deux étaient arrivés au dernier kilomètre du marathon. Le plus dur.

Navarro se trompe probablement. Le « plus dur » dépassant très largement les questions commerciales, est le poids de plus en plus lourd de la rivalité stratégique globale entre Pékin et Washington.


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