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›› Editorial

Affaibli à l’intérieur, le parti redore son blason dans le monde

Alors que Pékin cherche à tourner la page de l’épidémie dans le Hubei et à Wuhan pour relancer son économie, tandis qu’ailleurs dans le monde les contagions continuent d’exploser, principalement en Europe - avec désormais 70% des victimes globales -, le Parti qui reconnaît lui-même « certaines erreurs », a commencé à réécrire l’histoire du démarrage de l’épidémie en décembre – janvier.

En même temps, il a lancé une vaste opération internationale de relations publiques, destinée à propager l’image que le pays est en pointe de la lutte contre l’épidémie.

Depuis 15 jours, les diplomates chinois, relayés par la presse officielle diffusent sur le net et sur Twitter des éléments de langage dont le but est de désamorcer les critiques de la gestion initiale de l’épidémie par l’appareil à Wuhan. La réécriture sur le vif de l’histoire des cafouillages initiaux, s’accompagne d’un discours faisant l’éloge de la réaction du parti.

Réécriture de l’histoire.

Alors que la bureaucratie s’était appliquée dès la fin décembre, à mettre sous le boisseau les premières alertes, harcelant les médecins comme AI FEN, chef du service des urgences de l’hôpital Central de Wuhan (lire : Covid-19 : La démocratie, l’efficacité politique et l’attente des peuples.), tandis que le 13 janvier Wang Wenyong, Directeur du centre des maladies infectieuses de Wuhan donna par téléphone l’ordre à l’hôpital central de supprimer des rapports le diagnostic de Coronavirus, le discours officiel se développe dans deux directions.

Appuyé lors d’une conférence de pressse du 27 février par l’autorité du professeur Zhong Nanshan, pneumologue ayant, le 21 janvier 2003, le premier avec quelques collègues, désigné à Canton la « pneumonie atypique du SRAS », le parti répète l’idée que le Covid-19 ne s’est pas déclaré en Chine. En même temps, les diplomates dénoncent « une politisation anti-chinoise » de l’épidémie.

Dix jours plus tard, le 9 mars, sur son compte Twitter, le MAE chinois diffusait la contrevérité que la réaction initiale chinoise très rapide au départ des contagions à Wuhan avait laissé des délais à la communauté internationale pour se préparer à réagir au fléau.

En réalité, alors que le rapport officiel du gouvernement chinois à l’OMS était que les contagions seraient contrôlables, dés la fin décembre des milliers de contaminés s’étaient déjà éparpillés en Chine, tandis que le 18 janvier, l’appareil autorisa l’organisation d’un banquet de nouvel an de plusieurs dizaines de milliers de personnes à Wuhan.

Avant l’information publique, le 21 janvier, reconnaissant que la contagion pouvait se faire directement entre humains et la réaction de fermeture de la province du Hebei, deux jours plus tard, le 23 janvier, plus de 5 millions de personnes avaient quitté Wuhan.

En même temps, des milliers de vols relièrent Wuhan à de nombreuses destinations hors de Chine. Dès le 23 janvier des cas étaient apparus à Bangkok, Macao, Hong-Kong, Taipei, Kaohsiung, Ho Chi Minh Ville, Singapour, Seatle. Tandis que selon les virologues, 85% des contaminés n’avaient pas été détectés, à la fin janvier, 26 pays étaient touchés, le plus souvent infectés par des voyageurs venant de Wuhan.

Une puissante propagande de portée globale.

La réécriture du déclenchement de l’épidémie, se double d’une vaste propagande de portée internationale articulée à des envois vers plus d’une vingtaine de pays, de masques, de médicaments, de coffrets de tests, et même de médecins.

La manœuvre globale destinée à diffuser en interne l’image de la compétence du parti confirmant sa capacité à maîtriser le fléau, a clairement pour but de compenser les critiques internes des réseaux sociaux et des intellectuels pointant du doigt la censure et les manquements de l’appareil.

Aussi longtemps que le recul de l’épidémie sera effectif en Chine, le contraste avec l’explosion des contaminations ailleurs renforcera l’image de leader global que le Parti cherche à se donner. En même temps, les médias officiels et en premier lieu CCTV ne se gênent pas pour relayer la théorie conspiratrice d’une origine américaine de l’épidémie.

Le 18 mars, un article du New-York Times du chroniqueur Steven Lee Meyers analysait même qu’en absence de réaction visible et coordonnée de la Maison Blanche ayant abandonné son rôle mondial, la séquence jouerait, par l’efficacité qu’elle exprime, en faveur du système de gouvernance autocrate chinois.

« Les dons chinois de matériels de santé, montrent à la face du monde que la Chine est une puissance mondiale responsable et généreuse ». (Minxin Pei, est « China Watcher » originaire de Shanghai, Docteur en sciences politique de Harvard.)

« Le succès de la lutte contre le coronavirus suggère également que son régime à parti unique est supérieur aux démocraties occidentales aujourd’hui à la fois fragiles et tourmentées, en particulier aux États-Unis ».

La perspective ainsi ouverte offre une image saisissante de l’efficacité de la propagande, si on songe qu’il y a seulement sept semaines, après la mort du Dr Li Wenliang dans la nuit du 6 au 7 février, alors que le Secrétaire Général du Parti Xi Jinping, Président de la République était absent de l’actualité publique pendant plusieurs jours, l’appareil violemment contesté par l’opinion et les réseaux sociaux, paraissait aux prises avec les prémisses d’une crise politique grave.

*

Aux États-Unis, la propagande chinoise s’est emparée des joutes politiques en amont de l’élection présidentielle. Certains commentateurs et plusieurs démocrates, soulignant que même l’OMS évite de cibler la Chine comme l’origine de la pandémie, accusent Trump de « racisme » quand il rappelle avec insistance que le covid-19 est né à Wuhan.

Mais tout le monde n’est pas sur cette ligne politiquement correcte. Le 19 mars, Shadi Hamid chercheur à la Brookings, se défendant de chercher un bouc émissaire, revenait dans « The Atlantic » sur les risques de passer sous silence les origines de la pandémie.

Après avoir rappelé les bévues politiques du SRAS 2002 – 2003 et l’histoire communiste des épidémies mal gérées par l’appareil, il écrit : « En nous conformant à l’exigence chinoise de ne pas souligner l’origine de l’épidémie, nous courons le risque de brouiller la responsabilité initiale de Pékin dans la propagation de la maladie au-delà de ses frontières. »

La manœuvre par laquelle Pékin s’efforce de reconstruire son image écornée par les cafouillages de janvier à Wuhan, se double d’une impitoyable censure de l’information. L’occultation ne se limite pas aux médias nationaux.


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