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Le Cambodge sous influence

Notes de contexte.

L’ASEAN, arrière cour de la Chine, contestée par Washington.

Les pays de l’Asie du Sud-est ont été soumis au cours de l’histoire et de manière variable, dans le temps et dans l’espace, aux influences contradictoires de l’Inde et de la Chine. Ce contraste est toujours visible sur le « promontoire indochinois », où cohabitent la démarche plus ancienne de l’Inde, théologique et symbolique (dont la forte rémanence est encore visible) et la démarche chinoise, sociopolitique et commerciale, évidente au Vietnam, mais également présente partout ailleurs dans la région, par le biais de la diaspora, notamment dans l’espace urbain.

A plusieurs reprises dans l’histoire, le poids de l’Empire chinois s’est fait sentir jusqu’aux confins de la Mer de Chine du Sud, notamment lors des expéditions de l’Amiral des Ming Zheng He, au XVe siècle. Mais stricto sensu, hormis le Vietnam, l’Asie du Sud-est ne fait pas partie de la zone sinisée. Avec l’Asie du Sud, elle est répertoriée par les experts comme un ensemble de pays ayant éventuellement payé un tribut à la Chine, mais aussi placés sous d’autres influences culturelles, bouddhistes, islamiques et chrétiennes.

Auxquelles s’ajoutent les périodes d’influence politique occidentale lourde tout au long des intervalles coloniaux hollandais, portugais, espagnols, britanniques, français et américains, qui fondent un ensemble vaste et disparate, cherchant son improbable unité au sein de l’ASEAN, à l’ombre des influences contraires de la Chine et des Etats-Unis.

Depuis sa création en 1967, où elle était une coalition anti-communiste, instrument des Etats-Unis contre la Chine et le Vietnam, la situation de l’ASEAN a bien évolué. Aujourd’hui, elle apparaît, après bien des péripéties , comme un des points d’application de la politique chinoise d’ouverture au monde, matérialisée par l’adoption d’un traité de libre échange, entré en vigueur en janvier 2010 pour les 6 pays les plus avancés et reporté en janvier 2015 pour les 3 pays de la péninsule indochinoise et le Myanmar.

La différence des niveaux de vie et de développement entre les pays, leur histoire, leur culture, leur positionnement plus ou moins proche de la Chine ou des Etats-Unis, constituent autant d’obstacles à une unification de la zone, dans un contexte où plusieurs pays, dont les Philippines, s’interrogent sur l’intérêt pour eux d’avoir ouvert leurs frontières aux produits chinois, dont l’avalanche créé un important déséquilibre de leur balance courante et fragilise les entreprises locales.

Comme en Afrique, la stratégie de pénétration de Pékin dans la zone, est ciblée. Très en pointe pour le commerce, la Chine est en général moins bien placée pour les investissements, puisqu’avec moins de 5% du stock, elle est loin de l’UE (18%) et du Japon (13%). Mais, adepte d’une politique clientéliste, elle concentre ses efforts sur des pays choisis pour leur faible résistance à la pénétration de ses affaires, qui ne s’encombrent pas d’appels d’offres, de critères de transparence, de bonne gouvernance, de responsabilité sociale ou de respect de l’environnement.

Après avoir focalisé ses engagements financiers et industriels sur le Myanmar, son objectif est aujourd’hui le Cambodge où son stock d’investissements atteint 12 Mds de $ en augmentation rapide, loin devant la Corée du sud à 4 Mds de $ et le Vietnam à 2 Mds de $. Dans le paysage politique cambodgien où la démocratie parlementaire recule, la Chine, dont le système rejette absolument le multipartisme, l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs, évolue comme un poisson dans l’eau.

Son activisme économique et financier, outil de sa recherche clientéliste, facilité par la collusion entre l’oligarchie et les affaires, véhicule aussi une influence politique autoritariste et répressive, qui déteint d’autant plus facilement sur le pouvoir cambodgien, héritier direct des Khmers Rouges et du Vietnam, que la culture démocratique de ce dernier est superficielle et fragile.

Au centre de cet espace contrasté se trouve une Méditerranée asiatique, à la surface comparable à notre Mare Nostrum, voie de passage de 60% de tous les hydrocarbures transportés sur la planète par voie maritime, de 85% des approvisionnements en énergie des trois états de l’Asie du Nord-est (Chine, Japon, Corée) et de 30% du commerce entre les pays de l’ASEAN et l’Asie du Nord-est.

Elle est aujourd’hui au cœur des tensions entre Pékin, qui la revendique en totalité, et plusieurs pays de l’ASEAN qui tentent d’y faire valoir leurs droits, encouragés par les déclarations américaines de janvier 2012, annonçant, le glissement vers le Pacifique Ouest de 60% de leurs forces navales pour 2020.

Mais la difficulté et la sensibilité de ce réajustement militaire ne doivent pas être sous estimées, tant il est vrai qu’il induit des réactions diverses au sein de l’Association. Hanoi et les Philippines, aux premières loges des échauffourées avec Pékin, ayant participé à des manœuvres militaires en 2011 et 2012 avec la marine américaine, destinées à dissuader les pressions de Pékin, s’en réjouissent.

Il n’en va pas de même pour plusieurs autres pays. S’il est vrai qu’en 2007, Lee Kwan Yew, ancien premier ministre de Singapour, dont le jugement était dévoilé par Wikileaks, continuait à identifier une fracture entre les 6 pays fondateurs de l’ASEAN et les nouveaux venus – Cambodge, Vietnam, Laos, Myanmar – soupçonnés d’être inféodés à Pékin, l’actuel gouvernement de la Cité Etat, a récemment exprimé la crainte qu’avec le basculement stratégique du Pentagone, l’ASEAN se trouve prise dans l’étau des rivalités sino-américaines.

Par son ministre des Affaires étrangères, l’Indonésie a évoqué le « cercle vicieux des tensions et de la méfiance » ; le premier ministre malaisien, pourtant lui aussi impliqué dans les querelles de souveraineté avec la Chine, était sur une ligne identique, craignant un raidissement de la situation.


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