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›› Politique intérieure

A Hong-Kong, l’obsession de mise au pas

A Hong Kong, Pékin n’en finit pas de régler ses comptes avec la mouvance démocrate dont les plus radicaux du Parti “Demosito” [du latin « demos - peuple » et « sitos – volonté », 香港眾志- Xianggang zhong zhi (littéralement : « volonté populaire des Hongkongais »)] également baptisés « Localistes » militaient pour l’indépendance de la R.A.S.

Exemple récent de cette vindicte confinant à une implacable « chasse à l’homme », depuis juillet, les autorités de Hong Kong publient des avis de recherche visant les activistes des droits exilés en Occident.

Après une première liste de huit activistes rendue publique il y a cinq mois à la mi-décembre 2023, la police de la R.A.S a à nouveau promis des récompenses allant jusqu’à Un million de $ de Hong Kong (120 000 €).

La prime rétribuait toute information permettant l’arrestation de cinq activistes pro-démocratie en exil, accusés de crimes contre la sécurité nationale, notamment « d’incitation à la sécession, d’incitation à la subversion et de collusion avec des forces étrangères. »

Dans les capitales occidentales (Washington, Londres et Canberra) des pays où sont réfugiés les militants, dénonçant « le mépris flagrant des normes internationales » on niait la compétence de la justice chinoise pour arrêter des activistes hors de ses frontières.

En même temps, inflexible Li Kwai-wah, 李 桂 華, le haut responsable de la Sécurité nationale de l’ancienne colonie britannique justifiait l’initiative en évoquant une « trahison menaçant la sécurité nationale y compris à partir de l’étranger », et répétait que la justice chinoise « poursuivrait les fugitifs jusqu’au bout, partout où ils se réfugieraient » [1].

Chasse aux « Localistes » de « Demosito ».

Créé en 2016 et auto-dissout le 30 juin 2020, « Demosito » portait le très provocateur projet référendaire, insupportable pour Pékin visant à interroger les Hongkongais en 2047, année de la rétrocession complète, à la fin des « Deux systèmes », sur leur volonté ou non d’être rattachés à la Chine.

Dès 2017, en visite à Hong Kong pour introniser Carrie Lam, Xi Jinping avait perçu le risque inacceptable que Hong Kong échappe à la souveraineté chinoise, diluée par les revendications des jeunes démocrates radicaux.
A contrecourant des accords conjoints entre Margaret Thatcher et Deng Xiaoping en 1984, emportés par l’idéal du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, les adeptes de « Demosito » allaient en effet jusqu’à envisager le détachement de la R.A.S de la Chine par un vote populaire.

Alors que, dans la mémoire historique de tous les Chinois quels qu’ils soient, l’histoire de Hong Kong coïncide exactement avec les humiliations infligées à la Chine par les « Huit puissances », la perspective que le « Port aux parfums » échappe à la souveraineté de Pékin avait touché un nerf politique sensible [2].

Dans son discours d’intronisation de Carie Lam à la tête de l’exécutif de la RAS, en 2017, Xi Jinping avait clairement mis en garde : « Toute tentative contre la souveraineté et la sécurité nationales, défiant le gouvernement central et l’autorité de la loi fondamentale, ou ayant pour but de mener, par le truchement de Hong Kong, des opérations d’infiltration ou de sabotage à l’intérieur du Continent, franchirait – “toucherait 触碰 – chu peng –”dans le texte chinois » - la limite extrême de ce qui est permis et ne sera pas accepté ». (lire : A Hong-Kong Xi Jinping « recadre » les démocrates et met en garde contre une remise en cause du pouvoir central.)

Au passage, Xi Jinping avait rappelé la rigueur souveraine et légale de l’appartenance de Hong Kong à la Chine en citant l’Art 1 de la « Basic Law » selon lequel « La R.A.S de Hong-Kong est une part inaliénable de la République Populaire de Chine ».

Déjà le discours évoquait la menace sur la « Sécurité et la souveraineté nationales 危害 国家 主权 安全 » devenue le cheval de bataille de la mise au pas de Hong Kong, arrière-plan de la nomination en mai 2022, de l’ancien chef de la police de la R.A.S + John Lee à la tête de la R.A.S. (lire : Un policier inflexible à la tête de Hong Kong.

Au nom de la sécurité nationale.

Le choix de John Lee eut lieu trois années après les vastes rassemblements commencés à l’été 2019 ayant tourné à l’émeute et déclenchés pour protester contre la Loi sur l’extradition.

Proposée par Carie Lam à la suite du meurtre, le 17 février 2018 à Taipei d’une jeune Hongkongaise par son petit ami chinois, né à Shenzhen et réfugié à Hong Kong (lire : A Hong-Kong, « Un pays deux systèmes » aux « caractéristiques chinoises. »), la Loi portait le risque de placer tous les dissidents chinois réfugiés dans la R.A.S sous la menace d’une expulsion vers le Continent.

(*) A la suite du courrier d’un lecteur, ce § corrige la version initiale mise en ligne mentionnant par erreur que Chan Tong-kai (20 ans), le meurtrier de la jeune honkongaise enceinte Poon Hiu-wing (21 ans) était Taïwanais.

Le 30 janvier dernier, le Gouverneur Lee a officiellement lancé les procédures de mise en œuvre de la Loi sur la sécurité nationale. « Pourquoi maintenant ? » s’est-il expliqué. « Nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre. Il s’agit d’un ”Devoir constitutionnel “ ».

La démarche remet à l’ordre du jour « L’Article 23 » que le Gouvernement avait déjà été contraint de retirer après les protestations publiques de 500 000 personnes le 1er juillet 2003. Symptôme que Pékin redoutait déjà une dérive indépendantiste, l’amendement de l’Art 23 ciblait en les caractérisant de manière vague, les délits de trahison, de subversion et de sécession.
Rien n’a changé sur le fond.

La législation proposée couvrira des infractions dont l’éventail peut être élargi de manière vague autour de notions telles que « la trahison », « le vol et la divulgation de secrets d’État », « l’espionnage et l’ingérence extérieure », dont le premier effet est qu’elles encadrent sévèrement les libertés civiles.

Cette fois pourtant, compte tenu de la chape de contrôle policier ayant réduit au silence les principales forces d’opposition et les médias libres, toute opposition publique à John Lee est devenue improbable. De nombreux groupes de la société civile ont été dissouts, parfois en prenant prétexte de la pandémie, et tous les médias critiques ont été contraints de mettre la clef sous la porte (lire : A Hong Kong, Pékin réforme la loi électorale, durcit la gouvernance et élimine la mouvance démocrate).

Jimmy Lai, dommage collatéral des « caractéristiques chinoises »

Le « nettoyage politique » au prétexte de la « sécurité nationale », se poursuit pendant que l’appareil s’acharne sur Jimmy Lai, 黎智英 Lai Zhi Ying ou en Hongkongais Lai Chee-ying, 76 ans, homme d’affaires de nationalité britannique, entrepreneur de talent, symbole de la libre entreprise et de l’opposition radicale à la brutale règle du parti. Incarcéré depuis août 2021 pour, entre autres, « incitation à la sédition et collusion avec l’Amérique pour semer le chaos », il risque la prison à vie.

La première audience de son procès ouvert le 18 décembre et qui pourrait durer jusqu’à la fin 2024, au milieu d’accusations que des témoins cités au procès auraient été torturés, a fait l’objet d’un remarquable compte-rendu détaillé de Pierre-Antoine Donnet dans Asialyst (lire : Hong Kong : l’ouverture du procès de Jimmy Lai, parodie de justice au service de Pékin).

Alors qu’un communiqué d’Alice Jill Ewards, Rapporteure Spéciale des NU pour la torture publiée le 31 janvier prévenait que les « éléments de preuve qui devraient être présentés à charge contre Jimmy Lai pourraient avoir été obtenus par la torture et autres des traitements illégaux », le parti reste imperturbable.

Il espère faire de la mise en scène du procès dont sont exclus les avocats étrangers qui ne peuvent plaider dans des affaires de sécurité nationale, une caisse de résonance destinée à prouver la supériorité harmonieuse de son modèle de gouvernance, capable de tenir à distance les émeutes populaires qui sèment le chaos dans les démocraties.

Note(s) :

[1Voir les accusations du Gouvernement de la R.A.S : Hong Kong national security police issue arrest warrants, HK$1 million bounties for 5 overseas activists

Lire les longues racines de la crise : Hong Kong : Pékin se cabre & A Hong Kong, la Chine fait face aux contradictions du schéma « Un pays deux systèmes ».

Les derniers avis de recherche de décembre 2023 visent :

Simon Cheng, 鄭文傑 Zheng Wenjie, 34 ans, diplômé de sciences politiques de Taïwan et d’économie à London School of Economics, ancien salarié du consulat britannique de HK, en charge de l’économie. Réfugié en Grande-Bretagne où il a obtenu l’asile politique en 2020, il est fondateur de “Hongkongers in Britain" et accuse le gouvernement chinois d’avoir, sous la torture, tenté de lui faire avouer qu’il était un espion à la solde de Londres.

Frances Hui, 許穎婷, Xu Yinting, 24 ans, journaliste formée aux États-Unis, fut la première activiste réfugiée aux États-Unis en 2020. Créatrice de la plateforme « We the Hongkongers », elle avait participé au « mouvement des Parapluies » (2014) à l’âge de 14 ans.

En 2919, elle avait écrit un article publié dans « The World », bihebdomadaire de la côte Est des États-Unis intitulé « Je suis de Hong Kong, pas de Chine » où on pouvait lire : « J’ai grandi en apprenant que les valeurs fondamentales de ma ville étaient ancrées dans les libertés accordées par la Loi fondamentale, notamment la liberté d’expression, la liberté de réunion et la liberté de presse et de publication. »

Joey Siu Nam 邵嵐, Shao Lan, 25 ans. Refugiée aux Etats-Unis, elle est impliquée dans la défense des droits à l’ONG National Democratic Institute et, comme responsable des étudiants, elle est notamment la co-fondatrice de la coalition Hong Kong Higher Institutions International Affairs Delegation HKIAD ayant joué un rôle de coordination durant les émeutes de 2019 contre la loi sur l’extradition.

Sur son compte Instragram elle avait écrit « Ma réponse aux intimidations du parti communiste chinois est simple : On ne me réduira pas au silence et je ne reculerai jamais. »

Fok Ka-chi 霍嘉誌 Huo Jiazhi, 42 ans et Choi Ming Da,46 ans, également en exil, sont, comme les trois autres, accusés d’incitations à la sécession et à la subversion, en même temps que de collusion avec des forces ennemies liées à des puissances étrangères. Actifs sur les réseaux sociaux ils sont aussi plus spécialement ciblés pour avoir mis en ligne des vidéos appelant à un entrainement militaire dans le but de renverser le gouvernement de Hong Kong

[2Pour Pékin, Hong Kong, porte à jamais les stigmates de l’humiliation infligée à l’Empire.

Rappels : En 1842, à l’issue de la première guerre de l’opium, le Traité de Nankin cédait à perpétuité l’île de Hong Kong à la Chine. En 1860, année du « sac du palais d’été », la défaite chinoise de la deuxième guerre de l’opium obligeait Pékin à céder, également à perpétuité, la péninsule de Kowloon (九龙 – Jiulong – des « neuf dragons »-).

En 1898, trois années après la défaite des Qing contre l’Empire nippon, la « Convention pour l’extension du territoire de Hong Kong » cédait à Londres les « Nouveaux territoires » pour un bail de 99 ans.

Ce nouvel outrage survint au milieu d’une succession de camouflets dont celui infligé par l’Empire allemand en avril 1898, qui obligea Pékin à céder à bail (également pour 99 ans) la souveraineté sur la baie de Jiaozhou 膠州灣 (Qingdao) partie du projet de Berlin d’en faire un point d’appui d’influence concurrente des bases navales britanniques.

Un mois avant, une autre humiliation avait, par le traité de Lüda, cédé à bail pour 25 ans, la péninsule de Port Arthur (Dalian) à l’empire russe engagé dans la construction du chemin de fer de l’Est en Mandchourie. Au même moment, Paris obtint la cession pour 99 ans de la baie de Canton.

14 ans après la guerre franco-chinoise, le désastre de Langson (1885) qui suivait la destruction (1884) par l’amiral Courbet de la flotte chinoise au chantier de l’arsenal de Fuzhou construit sous l’égide du Français Prosper Gicquel (lire : La France en Chine du XVIIe siècle à nos jours. Par Bernard Brizay), Paris voyait la concession de Canton comme un point d’appui de sa conquête de l’Indochine dont les batailles durèrent de 1858 à 1907.


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